Observatoire Géostratégique

numéro 302 / 28 septembre 2020

LA FRANCE FAIT UN CADEAU AU FASCISTE ERDOGAN !

Plus de 300 journalistes professionnels sont emprisonnés en Turquie pour « délit professionnel » et « soutien à des organisations terroristes ». Le 27 août dernier, l’avocate Ebru Timtik est morte en prison après 238 jours de grève de la faim, afin de réclamer un procès équitable.

Depuis juillet 2016, les reconductions régulières de l’état d’urgence en Turquie entraînent de graves violations des droits humains concernant plusieurs centaines de milliers de personnes, selon un rapport, dernièrement publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). Ce rapport fait état de cas de torture, de mauvais traitements, de détentions arbitraires, de privation arbitraire du droit au travail, ou encore d’atteintes à la liberté d’association et d’expression. Les auteurs de ce texte montre comment l’état d’urgence est utilisé par Ankara « pour étouffer toute forme de critique ou de dissidence à l’égard du gouvernement ».

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, souligne, dans ce rapport, le nombre « ahurissant » de près de 160.000 personnes arrêtées depuis le début de l’état d’urgence. Il note aussi que 152 000 fonctionnaires ont été renvoyés, « dont beaucoup de manière arbitraire ». Des enseignants, juges et avocats ont été licenciés ou poursuivis. Le rapport note également qu’environ 300 journalistes ont été arrêtés au motif que leurs publications contenaient « des sentiments d’apologie au terrorisme » ou d’autres « infractions verbales » ou « d’appartenance » à des organisations terroristes. Plus de 100.000 sites web ont été bloqués depuis 2017, dont de nombreux pro-kurdes et des chaînes de télévision par satellite.

FEMMES ENCEINTES EMPRISONNEES

L’une des conclusions les plus alarmantes du rapport, selon M. Zeid, est « la manière dont les autorités turques ont détenu une centaine de femmes enceintes ou venant d’accoucher, principalement au motif qu’elles étaient associées à leurs maris [respectifs], soupçonnés d’être liés à des organisations terroristes ». Toujours selon le Haut-Commissaire, certaines de ces femmes ont été détenues avec leurs enfants et d’autres ont été « violemment séparées d’eux ».

Témoignage d’une femme turque interrogée par le HCDH dont le conjoint est suspecté d’être proche du réseau de Fethullah Gülen : « ils m’ont emmené au poste de police. Ils ont appelé le procureur et lui ont dit au téléphone ‘nous avons arrêté la femme d’un terroriste’. Puis le policier a commencé à me menacer de me déshabiller et de me montrer aux soldats détenus. Il a mis ses mains sous mon t-shirt et a commencé à l’enlever. J’étais incapable de réagir ». Au total, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme estime qu’environ 600 femmes avec de jeunes enfants sont détenues en Turquie, dont une centaine de femmes enceintes ou venant d’accoucher.

Le HCDH reconnaît cependant dans son rapport que la Turquie doit faire face à « des défis complexes » pour « répondre à la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016 et à un certain nombre d’attentats terroristes ». Mais le rapport indique également que le simple nombre et la fréquence des décrets d’urgence, ainsi que l’absence de lien entre ces décrets et la menace nationale semblent pointer une utilisation des pouvoirs d’urgence pour étouffer toute forme de critique ou de dissidence à l’égard du gouvernement.

Les services du Haut-Commissaire Zeid exhortent le gouvernement de la Turquie à faire en sorte que ces allégations de violations graves des droits de l’homme fassent l’objet d’une enquête et que leurs auteurs soient traduits en justice. Pour avoir une vision exhaustive de la situation, le HCDH demande à nouveau un accès complet à la région.

Richard Labévière

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ASSEMBLEE GENERALE DE L’ONU : MACRON NUMERIQUE…

« L’homme sage fait de la modestie la règle de ses discours » (proverbe chinois). Comment imaginer un seul instant, notre vénéré président de la République, Emmanuel Macron, amoureux du verbe, de l’art de la parole, privé coup sur coup de ses deux grands discours de doctrine consacré à sa vision du monde et à sa présentation des grands axes de la politique étrangère française : celui à la conférence des ambassadeurs (fin août) et celui à l’Assemblée générale de l’ONU (deuxième quinzaine de septembre)1 ? Si ce n’est en raison d’un microscopique virus aux yeux bridés qui n’en finit pas de mettre la planète cul par-dessus tête. Il a dû faire l’impasse du le premier, laissant nos Excellences livrées à elles-mêmes2.

Par chance, grâce à la mise au point d’une Assemblée générale virtuelle (la première du genre), Jupiter a pu adresser par voie numérique, à l’occasion du 75ème anniversaire du machin, son discours urbi et orbi le 22 septembre 20203 en pleine querelle de chiffonniers entre Américains et Chinois, style « nouvelle guerre froide »4. Comment parvenir à synthétiser simplement une « pensée complexe », ce qui est loin d’être chose aisée ?5 Et qu’en penser au-delà des formules rituelles et sacramentelles ?

LES TEMPS FORTS DE L’HOMÉLIE JUPITÉRIENNE

Au moment de la célébration du 75ème anniversaire de la création de l’ONU, le monde vient de subir « un choc sanitaire, économique, social, sécuritaire, d’une ampleur sans précédent » largement surmonté grâce aux personnels soignants et humanitaires. En dépit de quelques succès, face aux défis qui sont devant nous, le président de la République propose à la communauté des nations cinq priorités essentielles. Il esquisse enfin les termes d’une nouvelle gouvernance mondiale. Reprenons des extraits de ses propos pour ne pas les dénaturer.

Défis et succès

Cette crise, sans doute plus que toute aucune autre, impose la coopération, impose d’inventer de nouvelles solutions internationales. Emmanuel Macron estime que la science, la connaissance et l’humanité parviendront à vaincre cette pandémie. Chacun de nos pays n’aura d’autre choix que d’apprendre à vivre avec le virus, et le monde devra apprendre à vivre avec cette nouvelle réalité qui s’impose à tous, révèle nos vulnérabilités. Cette nouvelle réalité mondiale est claire, brutale, certainement vertigineuse, et nous devons la regarder sans nous laisser aller au désespoir ni au découragement, mais avec lucidité. Tous les défis auxquels nous étions confrontés ont été en quelques mois accentués et aggravés. Les succès obtenus ont été entravés et les reculs se sont accumulés. Face à cette situation inédite, la fracturation de nos moyens d’action collective s’est accélérée. Le constat global est inquiétant. L’ONU court le risque de l’impuissance. Le Conseil de sécurité des Nations unies, garant de la paix et de la stabilité, est difficilement parvenu à s’entendre sur une trêve humanitaire.

Ses membres permanents n’ont pas pu, en des circonstances aussi exceptionnelles, se réunir parce que deux d’entre eux ont préféré à l’efficacité collective l’affichage de leur rivalité. Toutes les fractures qui préexistaient à la pandémie, le choc hégémonique des puissances, la remise en cause du multilatéralisme ou son instrumentalisation, le piétinement du droit international, n’ont fait que s’accélérer et s’approfondir à la faveur de la déstabilisation globale créée par la pandémie. Nous n’avons plus le droit de fermer les yeux. Nous n’avons plus l’opportunité, le luxe, si je puis dire, de tergiverser. Emmanuel Macron délivre un vibrant et inattendu satisfecit à l’Union européenne qui, a fait à la faveur de la crise, un pas historique d’unité, de souveraineté, de solidarité, de choix de l’avenir en aidant à la solution de multiples crises dans le monde. Aujourd’hui, il importe de prendre en compte les nouveaux équilibres qui sont en train de se mettre en place tout en travaillant à ce que le monde ne se résume pas à la rivalité entre la Chine et les États-Unis, quel que soit le poids mondial de ces deux grandes puissances, quelle que soit aussi l’histoire qui nous lie, en particulier aux États-Unis d’Amérique.

Dans ce nouvel environnement, il est important de rebâtir un nouvel ordre et l’Europe doit prendre toute sa part de responsabilité ; c’est-à-dire de porter ses valeurs, son goût de l’avenir, et de savoir bâtir des solutions nouvelles. Parce que nous ne sommes pas collectivement condamnés à un pas de deux qui, en quelque sorte, nous réduirait à n’être que les spectateurs désolés d’une impuissance collective. Nous avons des marges de manœuvre, à nous de les utiliser et à nous de savoir définir les priorités qui sont les nôtres dans cet environnement, de poser avec clarté nos choix et de construire des alliances nouvelles. Nous ne devons pas nous dérober. Parce que c’est précisément quand tout vacille qu’il faut revenir à l’essentiel. Et je crois très profondément que, depuis le début de cette crise du Covid-19, ce n’est pas une parenthèse qui s’est ouverte et se refermerait. C’est la poursuite d’un monde traversé par des crises profondes qui sont aussi dues à nos interdépendances. Et il y aura sûrement un jour un remède à la pandémie.

Mais il n’y aura pas de remède miracle à la déstructuration de l’ordre contemporain. Il n’y aura pas de remède miracle à cette espèce de paradoxe dans lequel nous sommes plongés. Jamais nos sociétés n’ont été aussi interdépendantes. Et au moment même où tout cela arrive, jamais nous n’avons été si désaccordés, si désalignés, si incapables de construire des solutions rapides, si en situation nous-mêmes, les mêmes, parfois de détruire les cadres de coopération que nous avons su créer durant les dernières décennies.

Cinq priorités

Emmanuel Macron propose les cinq priorités sur lesquelles la France souhaite construire, avec ses partenaires européens au premier chef, mais avec aussi toutes les puissances de bonne volonté, les fondations d’un nouveau consensus contemporain qui nous permettra d’agir concrètement dans le monde tel qu’il est.

Le premier principe, ou le premier objectif, c’est la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et contre le terrorisme, qui menacent au premier chef notre sécurité collective. Sous se chapitre, il évoque successivement la question du nucléaire iranien à propose duquel il rappelle que la France maintient son exigence d’une mise en œuvre pleine et entière de l’accord de Vienne de juillet 2015 ; celle de la Corée du Nord pour laquelle la France soutient les efforts des États-Unis et attend des engagements concrets de Pyongyang indispensables pour la stabilité et la sécurité régionales comme pour la paix et la sécurité internationale, celles des armes chimiques employées en Europe, en Russie comme en Syrie (la France attend des clarifications dans l’affaire Navalny et a fixé des lignes rouges), celle de la lutte contre le terrorisme au Levant, au Sahel (question à laquelle il consacre de longs développements :

« Je crois dans la souveraineté des peuples et je pense que notre action contre le terrorisme ne peut être utile et durable que s’il se conjugue avec le respect de cette souveraineté, avec une démocratie effective et avec une vraie politique de développement, celle aussi que nous avons conçue avec l’Alliance pour le Sahel et qu’avec nos partenaires européens, africains, avec la Banque mondiale aussi, nous continuons de développer pour des actions utiles sur le terrain »).

La deuxième priorité, c’est la construction exigeante de la paix et de la stabilité dans le respect de l’égale souveraineté des peuples. La grammaire de la paix et de la stabilité est à redéfinir parce que les lignes ont profondément bougé à la faveur de la crise, mais au fond bien avant elle. Le retrait américain, qui faisait office de garant en dernier ressort d’un système international aujourd’hui dépassé, l’affirmation hégémonique d’autres puissances à la faveur de ce désengagement, la projection de la Chine à l’extérieur de ses frontières, le renforcement de la souveraineté européenne – toutes ces tendances de fond doivent nous conduire à repenser les modalités de notre action collective pour garantir la paix et la sécurité. Nos principes d’action en la matière doivent être clairs et notre main ne doit plus trembler dans leur application : le respect des droits souverains des peuples, la consolidation des États de droit et de leurs moyens d’action, l’exigence et la responsabilité pour assurer la mise en œuvre effective des décisions actées sous l’égide des Nations unies.

Guillaume Berlat
28 septembre 2020

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DIPLOMATIE DU NOUVEAU MONDE : DU RÉEL AU VIRTUEL ! Guillaume Berlat. « Nous ne savons pas où la révolution virtuelle nous entraîne, seulement que là où nous arriverons, nous n’aurons pas assez de RAM » (Dave Barry).

Avec le passage du monde du bon vieux papier au monde du merveilleux numérique (le e-monde), nous n’avions pas entièrement entrevu la révolution copernicienne dont nous serions, aujourd’hui, spectateurs incrédules et acteurs à l’insu de notre plein gré. Chaque jour que Dieu fait nous amène son lot de surprises plus ou moins agréables, désagréables. Une sorte de course folle à ce que certains qualifient de progrès, d’autres de régressions pour une civilisation en perte de repères, sans cap ni boussole. S’interroger, à froid, sur les éventuels inconvénients sanitaires du passage de la téléphonie mobile de la 4G à la 5G vous fait aussitôt classer dans la catégorie des rétrogrades, des passéistes, voire des « amish » par Emmanuel Macron1. Aucun secteur d’activité humaine n’échappe à ce tsunami de modernisme. Le maître mot est aujourd’hui dématérialisation et son corollaire celui de virtuel.

La signification de ce dernier est qui est à l’état de simple possibilité ; qui a en soit toutes les conditions essentielles à sa réalisation. La pandémie, dont nous affrontons, en cette fin d’été indien, une seconde vague, a mis en lumière ce tropisme à la virtualisation de notre société, au recours au télétravail. Le travail s’invite à son domicile. Y compris la bonne vieille diplomatie aux formes désuètes n’échappe pas à cette révolution. Elle se convertit, bon gré mal gré à la mode virtuelle sous la pression de la jeune génération. Alors que rien ne va plus pour le machin, il est indispensable de repenser, de réformer, qui sait d’abandonner le multilatéralisme.

RIEN NE VA PLUS POUR LE MACHIN

Finies les bonnes vieilles conférences qui faisaient le bonheur des diplomates voyageurs, découvrant le monde des aéroports, des « duty free shops », des salles de réunion glauques, des semaines de l’Assemblée générale de l’ONU, des Conseils européens dont il ne sort que des communiqués insipides, des marathons diplomatiques épuisants et inutiles… Une actualisation de l’adage : chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. Une sorte de spectacle itinérant à l’échelle de la planète avec des acteurs qui ne se déplacent pas. Le Dieu per diem est aux abonnés absents pour les diplomates aux fins de mois difficiles. Un constat d’évidence s’impose à tout un chacun, qu’il le veuille ou non. Le temps est désormais à la diplomatie virtuelle. On échange via des écrans, des messageries cryptées mais piratées par des hackers chinois et russes, jamais américains. On organise des conférences virtuelles tant à l’échelon européen qu’onusien en dépit des inconvénients que cette démarche présente comme le souligne l’ambassadeur dignitaire de France, Pierre Vimont2. Pour la première fois depuis sa création à la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous aurons droit à une Assemblée générale virtuelle de ONU3 (diffusion des discours enregistrés des chefs d’État et de gouvernement), le Conseil de sécurité lui ayant ouvert la voie. Qui s’en est aperçu ? Finis les défilés de limousines, au mois de septembre, dans les rues de Manhattan. Finies les envolées lyriques de nos tribuns de pacotille à la tribune sous l’œil du président de la session excédé par cette avalanche de belles paroles creuses.

Finis les entretiens bilatéraux, les « dialogues stratégiques », qui n’ont rien de stratégiques, en marge du machin. Finis les complots ourdis dans le salon des délégués, les amourettes d’une session nouées lors d’un « brainstorming » sur l’avenir du monde au XXII siècle. Finies les agapes dans les meilleurs restaurants de la ville à la pomme. Finies les nuitées coquines dans les hôtels les plus chics des beaux quartiers de New York pour les dirigeants de la planète et leur pléthorique suite. Finies les carabistouilles des services de renseignement dans tous les lieux de Manhattan proches de la Maison de verre. Finie l’agitation inutile, les faux compromis et les vrais conflits. Fini le cirque de la madone du climat, la délicieuse suédoise, Greta Thunberg et de sa joyeuse troupe de comiques à vous faire pleurer.

Que nous dit l’analyste américain, Richard Haas sur le sujet ? « Les Nations Unies fêtent leur 75ème anniversaire, mais avec la pandémie mondiale, il n’y aura pas le traditionnel défilé de chefs d’Etats à New York à l’automne. Et même s’il devait avoir lieu, il y aurait peu à célébrer tant l’ONU a manqué à sa mission de garantir la paix et la fraternité entre pays du monde.  Le multilatéralisme devra se jouer en dehors des Nations Unies, à travers d’autres formats : le G7, le G20 etc. »4. Bienvenue dans le monde diplomatique de la grand-messe virtuelle. Heureusement, les multilatéralistes béats croient encore au miracle qui n’aura pas lieu5.

MULTILATÉRALISME À REPENSER, À RÉFORMER… À ABANDONNER ?6

L’heure est à l’efficacité du « start-up » world » à l’image de la « start up » nation chère à Jupiter. Au diable, les pertes de temps inutiles en ronds de jambe, en accolades, en embrassades et autres simagrées diplomatiques n’ayant plus leur raison d’être en dépit du décalage horaire dans le monde des droïdes. L’intelligence artificielle (ia) et les algorithmes7 se chargent de tout : rapprocher les peuples, faire baisser les tensions et conflits, contribuer à l’édification du monde des bisounours que les idéalistes appellent de leurs vœux. Au diable, l’humain source évidente de malentendus. Vive le monde de la raison froide naissant sur les cendres du monde de la passion dévastatrice des femmes et hommes dont le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ! Vive la e-diplomatie et la e-bêtise au temps du Covid.

Le machin, qui fête son 75ème anniversaire, va couler des jours heureux à ne rien faire, à ne plus s’occuper des problèmes de la planète, à ne plus faire de diplomatie multilatérale incongrue, à ne plus réunir d’inutiles conférences internationales pavées de bonnes intentions mais de peu d’engagements concrets. Il va cesser de publier des communiqués, des déclarations dont personne ne se soucie8. Le monde se portera mieux dès que les diplomates n’existeront plus. « La bêtise insiste toujours » (Albert Camus). Le monde fait face « à trop de défis multilatéraux et (à) un déficit de solutions multilatérales », a affirmé le 21 septembre 2020 le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à l’ouverture d’un sommet virtuel célébrant les 75 ans de l’Organisation. Nous ne nous étions pas aperçus avant le prononcé de ces augustes paroles. Le reste est à l’avenant.

Nous nous délecterons le jour où l’ambassadeur de France dignitaire, Alain Dejammet – il en est digne – prendra sa belle plume pour nous conter la suite de son délicieux ouvrage sur la vie à l’ONU9. Nous regrettons que Romain Gary ne puisse nous livrer la suite de sa satire du machin10. À tout le moins, la crise de la Covid-19 devrait être le point de départ d’un exercice de réflexion de longue haleine sur le monde de demain, sur sa gouvernance, sur la place que la France entend prendre, sur le multilatéralisme, sur le rôle éventuel de l’Union européenne, sur l’avenir de la relation transatlantique, surtout si Donald Trump état réélu. Hypothèse qui parait aujourd’hui moins farfelue qu’il y a peu. Focalisée sur la préparation de l’élection présidentielle du printemps 2022, le temps n’est pas à ce genre d’exercice inutile qui n’est pas payant sur le plan électoral. L’important, c’est la com’ à outrance pour saturer les écrans et les esprits11.

DU MONDE CONNECTÉ AU MULTILATÉRALISME (DÉ)CONNECTÉ 

« Les diplomates ne sont utiles que par beau temps fixe. Dès qu’il pleut, ils se noient dans chaque goutte » avait coutume de dire le général de Gaulle, toujours bien inspiré dans ses jugements sur la gente diplomatique. Les choses ont peu changé depuis le XXe siècle. Au rythme où vont les choses (Cf. des États-Unis qui ne cessent de faire cavalier seul sur le dossier iranien12), il est fort probable que la diplomatie du nouveau monde, évolue dans ses méthodes mais aussi, dans un second temps, dans ses objectifs pour passer, en un tournemain, du réel au virtuel. 75 ans après sa création, il est évident que la pandémie de « Covid-19 n’a pas contribué à une résurgence du multilatéralisme ». Advienne que pourra… La mort de la diplomatie sans fleurs, ni couronnes. L’impensable deviendrait possible, probable. Le mort du réel pour laisser la place au virtuel dans le nouveau monde.

1 Zazaz, Les Amish de mes Amish, édition : Dans quel état j’erre ?, www.mediapart.fr , 19 septembre 2020.
2 Jean-Pierre Stroobants (propos recueillis par, Pierre Vimont : « La crise sanitaire a révélé la perte d’efficacité du système multilatéral », Le Monde, 20-21 septembre 2020, p. 19.
3 Assemblé virtuelle, Le Monde, 23 septembre 2020, p. 2.
4 Richard Haas, Le triste anniversaire des Nations unies, Project Syndicate, 10 septembre 2010.
5 Daniel Durand, 75e anniversaire ONU : si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer…, https://culturedepaix.blogspot.com/2020/09/75e-anniversaire-onu-si-elle-nexistait.html , 23 septembre 2020.
6 Stéphane Lauer, La seconde mort du multilatéralisme, Le Monde, 22 septembre 2020, p. 33.
7 Damien Leloup, Un réquisitoire contre « l’algorithmisation » de nos vies, Le Monde, 23 septembre 2020, p. 26.
8 Carrie Nooten, L’ONU à l’épreuve de la diplomatie à distance, Le Monde, 23 septembre 2020, pp. 1-2.
9 Alain Dejammet, Supplément au voyage en Onusie, 2003.
10 Fosco Sinibaldi alias Romain Gary, L’homme à la colombe, Gallimard, 1984.
11 Alexandre Lemarié (propos recueillis par), Pierre Person : « LRM ne produit plus d’idées nouvelles », Le Monde, 22 septembre 2020, p. 11.
12 Allan Kaval/Carrie Nooten, Les États-Unis isolés à l’ONU sur le dossier iranien, Le Monde, 23 septembre 2020, p. 4.


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LIBAN/NORD : COMBATS ENTRE FORCES DE SECURITE ET GROUPES ISLA MISTES – Paul Khalifeh, 26 septembre.

De violents combats ont opposé ce samedi 26 septembre les forces de sécurité libanaises et des groupes islamistes extrémistes au nord du Liban, non loin de la frontière avec la Syrie. Les affrontements ont fait des morts et des blessés dans les rangs des groupes armés. Les combats ont éclaté lors d’une descente de police dans un village du nord du Liban, dans le cadre d’une vaste opération de recherche de membres de cellules islamistes soupçonnées de préparer des attentats. Les suspects, une quinzaine, ont opposé une forte résistance, utilisant des armes automatiques et des grenades. Les forces de sécurité ont riposté au lance-roquettes. Les explosions étaient entendues dans une grande partie du nord du pays.

Regain d’activité des cellules islamistes

Trois régiments des commandos d’élite de l’armée libanaise ont été envoyés en renfort pour prêter main forte aux unités d’intervention rapide de la police déjà sur place. Ces combats montrent le regain d’activité de cellules d’obédience islamistes, à la faveur du chaos qui règne au Liban, frappé par une grave crise économique et politique depuis des mois. Le 14 septembre, quatre militaires avaient été tués lors d’une opération de l’armée, toujours au nord du Liban, au domicile d’un jihadiste, Khaled el-Tellaoui, qui avait été abattu le jour-même. Ce même extrémiste était impliqué dans le meurtre, le 22 août, de trois personnes, dont deux policiers municipaux, dans un village du Nord.

 

CÔTE D’IVOIRE/PRESIDENTIELLE : LA COUR ORDONNE LA REINTEGRATION DE LAURENT GBAGBO SUR LA LISTE ELECTORALE – AFP, 25 septembre.

La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples a ordonné dans un jugement vendredi la réintégration de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo sur la liste électorale pour la présidentielle en Côte d’Ivoire le 31 octobre. Elle ordonne à l’Etat ivoirien de « prendre toutes mesures nécessaires en vue de lever immédiatement tous les obstacles empêchant le requérant (M. Gbagbo) de s’enregistrer sur la liste électorale ».

 

ISRAËL : LES MANIFESTATIONS CONTRE NETANYAHOU CONTINUENT – RFI, 25 septembre.

Israel enregistre de nouveaux records du nombre de contaminations. Le Premier ministre Netanyahu demande aux Israéliens de ne pas se rendre dans les synagogues lors de la célébration du Yom Kippour. Comme toutes les semaines, samedi 26 septembre au soir, des manifestations contre Benyamin Netanyahu ont eu lieu un peu partout en Israël et notamment à Jérusalem. Des convois de voitures sur les routes vers Jérusalem malgré le confinement. Cette semaine encore, les manifestants ont convergé vers la résidence de Benyamin Netanyahu rue Balfour à Jérusalem, moins nombreux que d’habitude. À coups d’amendes, les policiers ont fait respecter la distanciation entre les participants au mouvement de protestation. « Nous continuerons quoi qu’il arrive », affirme le professeur Menahem Klein, un militant du rapprochement israélo-palestinien. « Le gouvernement nous étouffe. On ne nous laisse pas faire ce que l’on veut bien que la situation sanitaire ne justifie pas un confinement. On veut nous empêcher de manifester mais nous ne cesserons pas de respirer », dit-il.

« Une partie de la population est indifférente »

Ilan, un habitué depuis la première heure de ces rassemblements, est lui outré par les tentatives du gouvernement de limiter les manifestations. « Je pense que c’est un scandale. C’est très grave. Les gens doivent manifester. Ils doivent protester. Et ce qui se passe aujourd’hui ce sont des mesures très dures. Et une partie de la population est indifférente », déplore-t-il. Quant au Premier ministre Netanyahu, il s’est adressé aux Israéliens en leur demandant de ne pas se rendre exceptionnellement dans les synagogues cette année le jour du Kippour. Alors qu’Israël enregistre de nouveaux records de contamination au Covid-19, il reconnaît que des erreurs ont été commises après le premier confinement au printemps dernier. Et pour une fois, il n’a pas mentionné les manifestations.

 

YEMEN : L’ONU FERME 3000 CENTRE DE SOINS PAR MANQUE DE FINANCEMENT – AFP, 26 septembre.

Alors que le Yémen fait face à l’une des pires catastrophes humanitaires au monde, l’ONU ferme totalement ou partiellement 3 000 centres de soins par manque de financement. Les Nations unies ont beau organiser des conférences de bailleurs pour lever des fonds, l’aide internationale reste insuffisante. Pour la nourriture, les soins, le logement, 80% de la population yéménite, soit plus de 20 millions de personnes de personnes, dépendent entièrement de l’assistance des Nations unies. « Nous avons besoin de plus de trois milliards de dollars pour mener à bien nos opérations au Yémen. C’est plus que pour n’importe quel autre pays. Nous avons récolté à peine plus d’un milliard de dollars. Donc, nous n’avons pas le choix : à cause du manque de financement nous devons réduire nos services dans les centres de soins », déplore Lise Grande, coordinatrice humanitaire de l’ONU dans le pays.  Cette décision intervient à un moment critique, notamment à cause de la crise sanitaire dans ce pays. « Nous avons le pire taux de mortalité dû au coronavirus dans le monde, constate Lise Grande. Ici, trois malades du Covid sur dix décèdent. Nous devons également faire face à la famine et au choléra. Et parce que nous manquons de financement, nous n’arrivons plus à faire fonctionner plus de la moitié des centres de soins à travers le pays ».  Depuis cinq ans, l’Arabie saoudite et ses alliés mènent une guerre destructrice au Yémen. La puissante monarchie du Golfe affirme officiellement venir en aide au gouvernement yéménite contre les rebelles houthis. Riyad a même accueilli une conférence internationale de bailleurs de fonds en juin dernier. Mais selon l’ONU, les Saoudiens n’ont pas honoré leurs promesses de dons.

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Nous avons tous la liberté d’expression, défendons-là, crient en chœur nos médias. N’empêche que certaines voix respectées peuvent crier dans le désert, sans aucunement être entendues, si les média ne les publient pas, par une censure de fait, ou bien les mettent à l’écart pour dissonance avec la doxa, la vérité imposée, le consensus de façade, la raison d’état abusive, notamment sur le sujet de l’absence de justice au Moyen-Orient. Au temps de la Guerre du Golfe, Isabelle Baechler fut censurée pour ses images de l’abri civil d’Ameriyah sauvagement bombardé, Dominique Pradalié fut mutée, le regretté Marcel Trillat muté aussi. Au temps de l’embargo inique longuement imposé à l’Iraq, Claude Cheysson fut ignoré, l’évêque d’Evreux démis, la parole de René Dumont coupée, l’abbé Pierre même disparut des grands médias après sa visite à Gaza et son plaidoyer aux candidats de la présidentielle de 1995. Comprenne qui voudra !

Bernard Cornut

 

  1. Les parisiens se rebellent contre les décisions arbitraires de la maire Hidalgo relatives à la suprématie du vélo. La Préfecture de police s’émeut. La RATP ne dit rien mais n’en pense pas moins. La Région Ile de France proteste. Mais personne ne bouge et de toute façon Hidalgo s’en moque : elle a été réélue. Et elle a bien raison. Il faut toujours réfléchir avant de voter. Par exemple, lorsqu’elle se présentera à la présidentielle.
  2. A quoi sert l’impôt sur le revenu s’il est démultiplié à chaque étape de la vie sociale ? On avait déjà supprimé les allocations familiales aux ‘riches’ – qui pourtant payent déjà l’impôt. A Bordeaux, on va payer son stationnement de voiture en fonction de ses revenus. Et on réglera demain sa baguette de pain en fonction de son bulletin de paye ?
  3. Abandon des réformes de l’assurance chômage et des retraites contre paix sociale. On comprend mieux, maintenant que l’on sait que Sarkozy « ne conseille pas Macron mais lui dit ce qu’il aurait fait à sa place ». ‘En même temps’, c’était effectivement le moment ‘de se réinventer’ – dans la continuité.
  4. L’attitude de Trump vis à vis de l’Europe, le non-respect de la parole donnée sur le climat ou le nucléaire iranien, ses élucubrations pathétiques révélatrices d’une pathologie inquiétante, le rétablissement illégal de sanctions contre l’Iran, le fait de ne pas tenir compte du résultat des prochaines élections, tout cela est connu. L’homme est sordide, vulgaire, grossier. Il est temps de l’oublier et donc, de ne plus en parler.
  5. La compagnie aérienne nationale Emirates, dont le gouvernement reconnaît Israël en espérant que cela aidera au redémarrage touristique de Dubaï, promeut déjà ses nouveaux vols Dubaï-Tel Aviv. Une question demeure : la création éventuelle d’une quatrième classe (en sus des First, Business et Economie), la ‘Palestinian class’ – que pour l’heure hélas, Emirates ne peut installer que dans les soutes de l’appareil.

Dinall’uill

 

ONFRAY FAIT PATINER L’HISTOIRE DU NATIONALISME…

Bien qu’il ait été publié en janvier dernier, le livre de Stéphanie Roza, « La gauche contre les Lumières », chez Fayard, n’avait pas allumé mon réverbère. Il a fallu qu’un ami, magistrat de grand talent, très érudit et un peu espiègle me signale l’ouvrage. A une exception près, le fait que la philosophe soit convaincue que le mouvement « Hirak » algérien est le fruit d’une révolte spontanée, sans aucun coup de pouce de « l’Occident », le livre permet de saisir comment l’idée même de « gauche » s’est évaporée. A disparu dans la nuit de notre temps. Comme le diraient Beauche ou Vachette, ce bouquin est une clé. Quand j’aurai relu l’ouvrage en suivant les lignes du bout du doigt, je tenterai, peut-être et en béotien, de participer à cette entreprise de serrurier.

A la page 79 de cette « Gauche contre les Lumières », un éclat m’a atteint l’œil, et ça fait mal : j’avais sous les yeux un résumé du « Onfray pour les nuls ». Cet auteur, et machine à écrire, cessait d’être une énigme. En effet, depuis la création de son « Université populaire » de Caen, qui n’était qu’une annexe du Rotary payée par des fonds publics, je me brisais les neurones sur la référence perpétuelle, faite par Onfray, au camarade Pierre-Joseph Proudhon. Qui ne mérite pourtant pas de pareils amis. Donnons un petit échantillon de la pensée de Onfray, ainsi le polygraphe tente de nous convaincre que Guy Moquet était un supporter des nazis ; et les Palestiniens des complices de leur malheur en étant des admirateurs d’Hitler… Donc en cette précieuse page 79, l’ignorant est informé de l’existence récurrente, depuis 1910, de « Cercle Proudhon ». Et voilà comment Onfray a perdu son mystère : avec son « Front Populaire » il fait réchauffer une vieille tambouille du début du XXe siècle. Ce nouveau « Front » est aussi nouveau que la traction avant, et sans doute voué à la même lamentable histoire que celle du « Cercle Proudhon ».

Le premier de ces cénacles est fondé par Edouard Berth, disciple de Georges Sorel, théoricien du syndicalisme révolutionnaire, qui estimait que les travailleurs devaient se tenir autonomes, éloignés de tout mouvement politique constitué. Et Sorel est l’un des inspirateurs d’une CGT qu’il va renier dès 1910, 15 ans après sa fondation. Déçu, Sorel adhère au nationalisme intégral où l’ouvrier pourrait être l’ami d’un roi ou de tout « patriote ». Il publie même dans « L’Action Française » de Charles Maurras. Comme cela ne suffit pas à la divulgation de ses idées, son ami Jean Variot crée la revue « L’Indépendance », décrite par les historiens comme « sociale-nationaliste et antisémite ». Le syndicaliste révolutionnaire Alfred Rosmer écrira que Sorel « s’installa dans le syndicalisme…Les militants syndicalistes l’ont toujours ignoré ». Et Lénine enfonce le clou dans le cercueil : « Sorel, ce brouillon notoire ! ».

C’est donc Berth qui prend un relai de son maître en fondant, avec des monarchistes, un mouvement sans frontières, le premier « Cercle Proudhon ». Les amis de Maurras y sont dominants et l’ambition est de « convertir des syndicalistes à la monarchie ». La première réunion se tient le 17 novembre 1911 et, manque de chance, au fil des mois, à part quelques égarés, les ouvriers ne se précipitent pas dans ce Cercle qui ne tourne pas rond. Portant, pendant trois ans jusqu’au début de la guerre, ces nouveaux philosophes publient sous le drapeau de Proudhon. Le Camelot du roi Henri Lagrange, mort en 1914, vide ici son encrier, Georges Valois et Gilbert Maire aussi. Le premier mourra dans un camp de la mort, le second s’en ira se désaltérer à Vichy.

Maurras, chef cuisinier de cette sale popote précise ses intentions : « Les Français qui se sont réunis pour fonder le Cercle Proudhon sont tous nationalistes. Le patron qu’ils ont choisi pour leur assemblée leur a fait rencontrer d’autres Français, qui ne sont pas nationalistes, qui ne sont pas royalistes, et qui se joignent à eux pour participer à la vie du Cercle et à la rédaction des Cahiers. Le groupe initial comprend des hommes d’origines diverses, de conditions différentes, qui n’ont point d’aspirations politiques communes, et qui exposeront librement leurs vues dans les Cahiers. Mais, républicains fédéralistes, nationalistes intégraux et syndicalistes, ayant résolu le problème politique ou l’éloignant de leur pensée, sont également passionnés par l’organisation de la Cité française selon des principes empruntés à la tradition française, qu’ils retrouvent dans l’œuvre proudhonienne et dans les mouvements syndicalistes contemporains… ».

Jacques-Marie Bourget

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