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Le prince héritier saoudien MBS devient émissaire de paix inattendu entre l'Inde et le Pakistan

La tension est très forte entre l'Inde et le Pakistan. Un homme joue les intermédiaires, le très controversé prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane.

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Le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, à gauche, avec le premier ministre pakistanais, Imran Khan, à droite, à Islamabad, au Pakistan, le 17 février 2019.
Le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, à gauche, avec le premier ministre pakistanais, Imran Khan, à droite, à Islamabad, au Pakistan, le 17 février 2019. (HANDOUT / PID / AFP)

Cela parait totalement improbable et inattendu mais on parle bien du même: Mohammed Ben Salmane, le prince héritier saoudien, persona non grata en Occident, depuis l’assassinat il y a cinq mois du journaliste Jamal Khashoggi, l’homme qui fait arrêter ses opposants et qui ne s’embarrasse pas des droits de l’homme. C’est le même qui se retrouve à jouer les émissaires de paix et appelle à la désescalade entre l’Inde et le Pakistan. Hasard du calendrier, le voici en effet qui se retrouve à visiter les deux pays au moment où ils se font face dans une crise dangereuse. MBS est arrivé au Pakistan dimanche 18 février. Il sera mardi 20 et mercredi 21 février en Inde, pour une visite d’État. Dans les deux cas, il va utiliser la diplomatie du carnet de chèques.

Des contrats saoudiens en pagaille

Au Pakistan, des contrats en série sont en train d’être signés, pour près de 20 milliards de dollars. Ces investissements saoudiens massifs visent d’abord à s’assurer que le Pakistan reste un allié face à l’ennemi commun qu’est l’Iran chiite. Mais MBS peut aussi conditionner cet appui économique, dont le Pakistan a besoin, à une promesse de désescalade avec l’Inde. Parce qu’ensuite le prince saoudien fera exactement la même chose de l’autre côté : plusieurs contrats énergétiques ou agricoles sont annoncés lors de la visite en Inde. L’Arabie Saoudite est déjà le premier partenaire commercial du géant indien et de son 1,3 milliards d’habitants.  

Un fort risque d'escalade entre Islamabad et New Delhi

Tout ça se produit donc au moment où la tension est très forte entre les Indiens et les Pakistanais, depuis un attentat qui jeudi 14 février a tué 41 paramilitaires indiens dans la province Nord du Cachemire, cette province à majorité musulmane, et dont l’appartenance à l’Inde est contestée par le Pakistan. Ça a déjà provoqué deux guerres par le passé. L’attentat, le plus meurtrier des 20 dernières années, a été revendiqué par un groupe islamiste basé au Pakistan. Le pouvoir indien a donc annoncé des représailles qui pourraient viser directement le Pakistan. Comme en plus l’Inde entre en période électorale, le scrutin est prévu en avril mai, le gouvernement veut apparaître fort, sinon il pourrait en payer le prix dans les urnes.  Si on ajoute que les deux pays possèdent l’arme nucléaire, tout ça n’est pas franchement très rassurant. Il faut donc espérer que MBS persuade les deux parties d’éviter l’escalade.  

Une occasion de redorer une image plombée

Pour le prince saoudien, cette crise tombe à pic. C’est l’occasion rêvée pour démontrer publiquement qu’il n’est pas un paria sur la scène internationale. Il est mal vu en Occident. Qu’à cela ne tienne : MBS se tourne vers l’Orient. Il va d’ailleurs, après l’Inde, enchainer en fin de semaine avec deux jours en Chine.   Autant de pays, le Pakistan, l’Inde et la Chine, moins regardant que les Occidentaux sur les droits de l’homme. Pour tous ces pays, l’assassinat de Khashoggi est une "affaire interne à l’Arabie Saoudite". Tous ces pays sont évidemment très intéressés, en contrepartie, par le pétrole et le carnet de chèques saoudien. Le calcul de MBS est donc simple et cynique, c’est vrai, mais il pourrait être très efficace pour redorer son image.  

Le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, à gauche, avec le premier ministre pakistanais, Imran Khan, à droite, à Islamabad, au Pakistan, le 17 février 2019.
Le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, à gauche, avec le premier ministre pakistanais, Imran Khan, à droite, à Islamabad, au Pakistan, le 17 février 2019. (HANDOUT / PID / AFP)