Échanson
Un échanson était un officier chargé de servir à boire à un roi, un prince ou à tout autre personnage de haut rang. En raison de la crainte permanente d'intrigues et de complots, la charge revenait à une personne en qui le souverain plaçait une confiance totale. L'échanson devait en particulier veiller à écarter tout risque d'empoisonnement et parfois même goûter le vin avant de le servir.
Dans la mythologie et les religions, les divinités ont parfois, elles aussi, un échanson.
Histoire[modifier | modifier le code]
Dans la mythologie grecque, Hébé et Ganymède servent d'échansons aux dieux.
Antiquité[modifier | modifier le code]
La Bible évoque plusieurs figures d'échanson[1].
En -721, à la cour des rois assyriens, le Grand Échanson (Rab Šaqé) avait la charge de présenter la coupe royale dans les cérémonies officielles.
Les rois macédoniens, dont Alexandre le Grand, s'entourent d'échansons. Cette fonction est réservée aux fils de la noblesse. Le plus célèbre des échansons macédoniens est Iollas, fils d'Antipater, qu'une rumeur accuse d'avoir fait empoisonner Alexandre.
Les empereurs de Constantinople perpétuèrent cet usage, hérité à la fois des monarchies du Proche-Orient antique, des monarchies hellénistiques et de l'Empire romain.
Europe occidentale[modifier | modifier le code]
En Espagne, les rois wisigoths avaient au VIIe siècle un comte palatin appelé en latin comes scanciarum (« comte des échansons »).
Au Moyen Âge en Europe, les rois, princes et grands ont leur propres bouteillers (d'abord chargés de l'approvisionnement) et tonneliers (chargés d'entretenir les barils et les muids). Ceux-ci font aussi fonction d'échanson qui assurent le service du vin, coupé d'eau le plus souvent, mais le bouteiller a un rang bien plus élevé que les simples tonneliers. Dans un premier temps, l'échanson vérifie avec minutie que les liquides ne sont pas empoisonnés, utilisant des « réactifs » comme la fameuse corne de licorne censée faire réagir la boisson infectée de venin. Puis, l'échanson et le sommelier, l'un après l'autre et sous les yeux de tous les invités, goûtent le vin qui est ensuite servi au seigneur[2].
À partir du Xe siècle, les charges d'échanson et de bouteiller commencent à devenir distinctes.
Grand échanson de France[modifier | modifier le code]
À la cour de France, l'échanson est spécialement chargé de l'achat des vins et de leur distribution aux personnes attachées à la cour, tandis que le bouteiller devient responsable de la gestion des vignobles royaux.
Il y a ordinairement plusieurs échansons. Le premier d'entre eux prend, au XIVe siècle, le titre de Grand Échanson, assimilable au Grand bouteiller de France.
Au siècle suivant, la dignité d'échanson décline rapidement et l'échanson perd la plupart de ses attributions et privilèges. Lorsque la Révolution française supprime cette charge, il y a longtemps qu'elle n'est plus qu'un titre honorifique.
Le Grand Échanson a pour marque héraldique de sa charge deux flacons aux armes de France, qu'il plaçait l'un à droite, l'autre à gauche de son écu.
Échansonnerie[modifier | modifier le code]
Ce terme, dérivé d'échanson, désigne :
- le corps des officiers qui servent à boire à un roi, à un prince
- le lieu où l'on distribue des boissons dans le palais d'un roi, d'un prince.
Échansonnage[modifier | modifier le code]
Ce terme, dérivé d'échanson, est le fruit du Conseil des Échansons de France. Il désigne le fait de déguster un même vin durant plusieurs années afin de commenter son évolution. Grâce à ce concept propre à cette confrérie, chacun pourrait connaître l'état de son vin avant même d'ouvrir la bouteille, sous réserve des problèmes de bouchon et de conservation. Si ce vin fait partie des nombreux vins dégustés par le Conseil des Échansons de France, on dit alors qu'il est « échansonné ».
Exemples d'échansons[modifier | modifier le code]
Personnages historiques[modifier | modifier le code]
- Sargon d'Akkad était l'échanson du roi de Kish, en Mésopotamie. Il détrône son bienfaiteur puis abat le roi d’Uruk en -2330, avant de fonder l'Empire d'Akkad ;
- Sakas était échanson à la cour d'Astyage, dernier roi des Mèdes ;
- Néhémie était échanson de Artaxerxès Ier dit Longue-main ou Artaxerxès II Mnémon, roi de Perse ;
- Benoît d'Aniane et Gambrinus auraient été, selon la légende, échansons de Charlemagne ;
- Roger d'Ivry était l'échanson de Guillaume le Conquérant ;
- Miecław (?-1047) était l’échanson de Mieszko II, roi de Pologne ;
- Geoffroy Coquatrix, riche et important bourgeois de Paris, était l'échanson du roi Philippe le Bel ;
- Thomas d'Estier était l'échanson de Jean II de Rohan ;
- Jean du Fou, échanson du dauphin Louis en 1454, puis premier échanson de Louis XI en 1461 ;
- Yvon du Fou, premier échanson de Louis XI en 1464
- Adrien d'Hangest, Grand échanson de France du roi Louis XII.
- Louis IV de Bueil (avant 1513 - mort en 1563 ou 1565), dit le Bègue, grand échanson du roi de France, chevalier de l'ordre du roi, comte de Sancerre (1537 — 1563), gouverneur d'Anjou, de Touraine et du Maine ;
- Jean, sire de Bueil, comte de Sancerre et de Marans, nommé Grand Échanson de France en 1597 ;
- Charles Fleetwood était l'échanson des rois Jacques Ier d'Angleterre et Charles Ier d'Angleterre ;
- Olivier Mérichon, échanson de Louis XI, qui alla au-devant des anglais d'Edouard IV vêtu comme un héraut, pour conclure une trêve en 1475.
Mythologie et religion[modifier | modifier le code]
- Hébé, fille de Zeus et d'Héra, est mentionnée dans l'Iliade, où elle sert d'échanson aux dieux, leur versant l'ambroisie et le nectar. Il fallut la remplacer, car un jour, cette dernière renversa une coupe, et elle eut tellement honte qu'elle courut se cacher pour toujours.
- Ganymède (le Verseau) était le plus beau des mortels, ce qui lui valut l'honneur de remplacer Hébé. C'est l'aigle de Zeus, à moins que ce ne soit Zeus lui-même ayant pris la forme d'un aigle, qui l'aurait enlevé "de ses serres inoffensives" pour l'amener sur l'Olympe.
- Certaines traditions affirment que Pélops fut enlevé par Poséidon qui fit de lui son échanson.
- Béhémoth, cité dans le livre de Job, démon des instincts, des plaisirs de la table et du ventre, est le Grand Échanson des Enfers.
Notes et références[modifier | modifier le code]
- Sydney Hervé Aufrère et Michel Mazoyer, Le banquet à travers les âges, L'Harmattan, , p. 14
- Eric Birlouez, A la table des seigneurs, des moines et des paysans du Moyen Age, Ouest-France, , p. 87
Voir aussi[modifier | modifier le code]