Abbé

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Un abbé, du latin abbas, est tout d'abord un moine chrétien élu par ses pairs pour diriger un monastère, une abbaye ou une communauté canoniale. Il s'agit là de celui qui dirige une communauté régulière. L'image de l'abbé, comme « représentant du Christ » et « père de la communauté » est très largement influencée par la règle de Saint-Benoît (chap. 2). Le terme peut désigner aussi un abbé séculier. Par extension, il s'applique également aux dirigeants de communautés monastiques d'autres traditions religieuses telles que le bouddhisme.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le mot « abbé », attesté en français depuis 1080 sous la forme abet, est issu de l'accusatif abbatem du latin abbas, dérivé du grec ancien ἀϐϐᾶ / abbã, lui-même provenant de l'araméen abba désignant le « père »[1]. En syriaque, le terme abba désignait un dignitaire civil ou religieux et le mot a pu être repris dans le monachisme chrétien dès ses origines en Orient, vers le IIIe siècle [2].

C'est aussi depuis le XVIIe siècle le terme en usage en français pour désigner un clerc séculier (c'est-à-dire non religieux au sens propre) ayant au moins reçu la tonsure (ordres mineurs), une évolution qui est apparue lorsque les bénéfices des abbayes ont été perçu non plus par des réguliers résidents mais par des séculiers. On appelle ainsi depuis le XIXe siècle un vicaire de paroisse, un prêtre séculier voire un ecclésiastique de manière générale : « Monsieur l'abbé »[1]. Les abbés des communautés canoniales ont régulièrement porté le titre de praepositus, particulièrement dans les pays germaniques[2].

Par extension, le terme s'applique également aux dirigeants de communautés monastiques d'autres religions telles que le bouddhisme[3].

Abbé monastique[modifier | modifier le code]

Abbé régulier[modifier | modifier le code]

Anciennement, les abbés réguliers devaient avoir au moins vingt-trois ans (vingt-cinq s'ils étaient électifs), être de naissance légitime, avoir fait profession dans l'ordre. Aujourd'hui, ils doivent généralement, pour pouvoir être élus, être prêtre et avoir fait profession religieuse perpétuelle (ou vœux solennels) depuis sept ans. Ils administrent le temporel du monastère, reçoivent les religieux lors de leur profession solennelle, leur donnent la tonsure. Autrefois, ils leur conféraient les bénéfices dont le monastère avait la collation. Ils ont sur leurs religieux un droit de juridiction, une autorité qu'il leur est recommandé de n'exercer que par la voie de la patience et de la douceur. Les moines le désignent généralement sous le nom de « père abbé ». Sa titulature est Très Révérend Père (TRP).

Un religieux a contre les éventuels abus de pouvoir de son supérieur un droit d'appel auprès du procureur général de l'ordre, et jusqu'au Saint-Siège.

Abbé mitré[modifier | modifier le code]

Thomas Schoen 1903, abbé de Bornem (Belgique)

Ce terme désigne un abbé, dont le pouvoir d'ordre et de juridiction a été solennellement reconnu par la bénédiction abbatiale conférée par un évêque mandaté par le Saint-Siège. L’abbé élu obtient alors le droit de porter certains insignes épiscopaux : mitre (d’où son nom), crosse (insigne de juridiction, pasteur) et anneau (lien avec l’Église). À noter que les abbés mitrés, qui ont eu la bénédiction abbatiale, peuvent célébrer une messe pontificale comme un évêque sacré.

Abbé nullius diœceseis[modifier | modifier le code]

Un abbé nullius est un abbé mitré qui a en outre la juridiction épiscopale sur un territoire. Un exemple aussi célèbre qu'exceptionnel est celui d'Héloïse. Cette pratique, autrefois courante dans les pays de mission dans lesquels l'abbaye était la seule présence ecclésiale, est tombée en désuétude depuis le Concile Vatican II, en faveur de l'érection de nouveaux diocèses. Il reste aujourd'hui onze abbayes territoriales.

Abbé laïc[modifier | modifier le code]

Les carolingiens créèrent des abbés laïcs : laïcs titulaires de droits sur une abbaye, et qui ne sont donc pas des religieux. Par exemple, Guillaume le Pieux l'est de la Basilique Saint-Julien de Brioude. Hugues Capet fut abbé laïc des abbayes de Saint-Martin de Tours et Saint-Denis. Il doit d'ailleurs son surnom à la chape d’abbé qu’il portait fréquemment. Pour des raisons similaires, l’oncle maternel de son grand-père (Robert Ier) était dénommé Hugues l’Abbé. Lorsqu’un abbé laïc était nommé dans une abbaye, celle-ci était en fait dirigée par le prévôt.

Au XVe siècle, l'abbé laïc fonctionnait encore :

« ......... Donne au Plessis du Parc, le XVIIe jour de janvier.

(De la main du roi : ) Reserve le proces de monsr St Martin, dont je suis abbe.

LOYS.
L. TINDO.

A noz amez et feaulx conseilliers les gens tenans nostre court de Parlement. »

— Lettre du roi Louis XI, datée le 17 janvier 1478[4]

Les abbés laïcs ont toutefois disparu depuis les réformes du concile de Trente.

Abbé commendataire[modifier | modifier le code]

Les abbés commendataires formaient un système semblable aux abbés laïcs : François Ier, après le concordat de Bologne de 1516 établit ce système en France. Les abbés commendataires ont possédé la plupart des abbayes françaises jusqu’en 1790.

Abbesse[modifier | modifier le code]

Équivalent féminin des abbés, les abbesses ont dans leurs monastères la même autorité que les abbés dans le leur, sauf les fonctions de la prêtrise. L’abbesse de Notre-Dame-de-Jouarre, du diocèse de Meaux, eut jusqu’en 1692, date à laquelle cette prérogative lui fut retirée à la demande de Bossuet, la juridiction épiscopale sur ses religieuses. Elle l’avait aussi sur les religieux qui dépendaient de son abbaye et approuvait les prêtres pour la confession sacramentelle.

Abbé-chancelier[modifier | modifier le code]

Le terme abbé-chancelier est souvent abrégé en abbé ch.

Abbé séculier[modifier | modifier le code]

Jusqu'au XVIIIe siècle les clercs séculiers étaient appelés monsieur. Depuis, il est entré dans la coutume de les appeler abbé : c'est ainsi que les abbés de cour sont des clercs séculiers pas forcément prêtres d'ailleurs. La tonsure, signe de l'entrée dans l'état ecclésiastique, est suffisante pour cette appellation. La titulature normale de tout clerc séculier (séminariste admis, diacre ou prêtre) est monsieur l'abbé, même si certaines fonctions peuvent primer : monsieur l'abbé Vianney, curé d'Ars, est ainsi appelé par ses paroissiens monsieur le curé. Depuis les années 1970, cette appellation a tendance à laisser la place, dans l'usage actuel, à l'emploi de Mon Père, ce qui est parfaitement synonyme, mais qui est restreint aux prêtres. Ce terme est ainsi employé pour les nominations décidées par l'évêque dans son diocèse ; exemple : « M. l'Abbé..... est nommé curé /vicaire /autre(s) de.... » ou bien « M. l'Abbé..... est déchargé de ses fonctions de...... et est nommé / se retirera pour prendre sa retraite.... (/ prendra un congé / une année sabbatique) ».

Dans l'Église d'Angleterre[modifier | modifier le code]

Après la Réforme protestante en Angleterre, le roi Henri VIII abolit le titre d'abbé avec une seule exception : l'abbé de l'Ordre de saint Benoît dans le Norfolk, qui fut amalgamé avec le titre d'Évêque de Norwich. Le résultat est que l'Évêque de Norwich est le seul clerc de l'Église d'Angleterre à avoir le titre d'abbé, quoique son abbaye, dans le district de The Broads, soit une ruine.

Personnages parvenus à la notoriété sous le titre d’abbé[modifier | modifier le code]

Toponymie[modifier | modifier le code]

Ouvrages littéraires[modifier | modifier le code]

Romanesques[modifier | modifier le code]

Biographiques[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Abbé », dans Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, vol. 1, Robert, , p. 3
  2. a et b Patrice Sicard, « Abbé », dans Dictionnaire de l'Histoire du christianisme, Encyclopaedia Universalis, , p. 13
  3. Pierre Macaire, Le Bouddhisme pour tous (lire en ligne)
  4. Joseph Vaesen et Étienne Charavay, Lettres de Louis XI, tome VI, p. 300, Société de l'histoire de France et Librairie Renouard, Paris 1898