Organisation internationale de la francophonie

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Organisation internationale
de la francophonie
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Carte de l'organisation

Devise : « Égalité, complémentarité, solidarité »

Situation
Création
Siège 19-21 avenue Bosquet
Drapeau de la France Paris
Coordonnées 48° 51′ 36″ N, 2° 18′ 12″ E
Langue Français
Budget 85 millions d’euros (2014)[1]
Organisation
Membres 88 États et gouvernements
Effectifs plus de 300[1]
Secrétaire général Drapeau du Rwanda Louise Mushikiwabo (depuis le 1er janvier 2019)
Personnes clés Drapeau du Sénégal Abdou Diouf
Drapeau de l'Égypte Boutros Boutros-Ghali
Drapeau du Sénégal Léopold Sédar Senghor
Drapeau de la Tunisie Habib Bourguiba
Drapeau du Niger Hamani Diori
Drapeau du Cambodge Norodom Sihanouk
Drapeau du CanadaMichaëlle Jean

Site web www.francophonie.org

L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) est une organisation, personne morale de droit international public, créée en 1970, regroupant 88 États ou gouvernements en 2018. Elle a pour mission de promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique, de promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’homme, d'appuyer l'éducation et la recherche et de développer la coopération.

Historique[modifier | modifier le code]

L’historique de l’Organisation internationale de la francophonie s’inscrit dans une structuration de la francophonie à l’échelle internationale. Celle-ci débute par une structuration sous un angle associatif dans les années 1960. Les premiers signes de l'émergence d’une communauté politique internationale ont lieu également à cette période. Les premières initiatives notables sur le plan politique, sont des conférences de ministres francophones : d’abord de l’Éducation nationale en 1960 (CONFENEM), puis de la Jeunesse et des Sports en 1969 (CONFEJEM)[2].

De 1970 à 1997 : l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT)[modifier | modifier le code]

Les nations représentées à la conférence de Niamey en 1970.

L'ACCT, première organisation intergouvernementale de la francophonie, est créée à l'issue de la deuxième conférence intergouvernementale des États francophones, à Niamey, le 20 mars 1970. Cette conférence fait suite à une première conférence intergouvernementale également à Niamey[3], un an plus tôt, placée sous le patronage du ministre français des Affaires culturelles André Malraux[4] qui avait abouti à la création d'un secrétariat provisoire.

La création de l'ACCT se matérialise par la signature d'une charte[5] par 21 pays. L'enjeu de la rédaction de la charte était pour la France de trouver une formule susceptible à la fois de rallier les Africains, à l'origine de l'idée, en particulier les présidents Senghor du Sénégal, Diori du Niger et Bourguiba de Tunisie, et de permettre une participation éventuelle du Québec à la Francophonie[6].

Jusqu'en 1986, l'ACCT ne touche qu'aux domaines de coopération technique et culturelle. La francophonie politique prend forme avec l'organisation du premier Sommet de la francophonie, en 1986 à Versailles[7].

De 1998 à 2005 : l’Agence intergouvernementale de la francophonie[modifier | modifier le code]

Deux sommets de la francophonie (Cotonou en 1995 et Hanoï en 1997) conduisent une importante réforme institutionnelle, dans l’objectif de donner une visibilité accrue à la francophonie. Cette réforme se concrétise par la mise en place d'un secrétariat général de la francophonie, dont le premier titulaire est Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU)[8]. La charte de l’ACCT est révisée et devient la charte de la francophonie, adoptée en 1997.

Dans la continuité, l’ACCT devient l'Agence intergouvernementale de la francophonie en 1998.

Depuis 2006, l’Organisation internationale de la francophonie[modifier | modifier le code]

Le , la conférence ministérielle réunie à Antananarivo adopte une nouvelle charte par laquelle l'Agence est intégrée au sein de l'Organisation internationale de la francophonie le [9].

Missions[modifier | modifier le code]

L’OIF mène une action en faveur de la langue française et de la coopération entre ses membres. Jusqu’en 1986, date des premiers Sommets de la Francophonie, elle gère des actions techniques et culturelles. Son champ de missions s’est élargi ensuite à des actions de coopération multilatérale, conformément quatre grandes missions fixées par les Sommets de la Francophonie : la promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique ; la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme ; l'appui à l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche ; le développement de la coopération au service du développement durable[10].

L’évolution des missions de l’OIF est à mettre en parallèle avec le nombre et la diversité des États et gouvernements qui la composent, et en particulier le nombre d’États non francophones en son sein. Au sein des gouvernements membres, plusieurs voix se sont élevées parmi les défenseurs de la francophonie pour demander à l’OIF de se recentrer sur ses missions premières, en pointant du doigt le risque d’éparpillement des activités[11]. Elles se sont plus particulièrement exprimées en marge du Sommet de la francophonie de 2018 à Ottawa[12],[13], à l'occasion de l’élection du nouveau secrétaire général de l’OIF.

En France, deux rapports complets font le bilan des actions et missions de l’OIF en 2017. Le Sénat produit un rapport d'information sur la francophonie dans lequel il préconise que la langue reste le cœur de métier de l'OIF[14]. Le rapport d’évaluation du ministère des Affaires étrangères et du développement international conclut à un niveau justifié de la contribution de la France à l’OIF même si le cadre est perfectible[15].

Gouvernance[modifier | modifier le code]

Membres de l’Organisation internationale de la francophonie[modifier | modifier le code]

L’Organisation internationale de la francophonie compte, en 2021, 88 états et gouvernements dont 54 membres, 27 observateurs et 7 associés[16], répartis en 7 régions du monde[17]. Parlé par 300 millions de locuteurs francophones dans le monde, le français a statut de langue officielle, seul ou avec d’autres langues, dans 32 États et gouvernements membres de l’OIF[18].

Instances politiques[modifier | modifier le code]

Organigramme de la francophonie après la CMF 2005 à Antananarivo. L'OIF est devenue l'opérateur principale de la francophonie en remplaçant l'AUF.

L’OIF est placée sous l’autorité de trois instances politiques : Le Sommet des chefs d'État et de gouvernement, appelé Sommet de la francophonie, la Conférence ministérielle de la francophonie (CMF) et le Conseil permanent de la francophonie (CPF).

Sommet des chefs d’État et de gouvernement[modifier | modifier le code]

Drapeaux des membres de la francophonie

Le Sommet de la francophonie, conférence des chefs d’État et de gouvernement, est la plus haute instance de l'OIF. Il se réunit en principe tous les deux ans afin de définir les grandes orientations politiques de la francophonie.

Sommet Lieu Dates
Ier Drapeau de la France Versailles 17-
IIe Drapeau du Canada Québec 2-
IIIe Drapeau du Sénégal Dakar 24-
IVe Drapeau de la France Paris 19-
Ve Drapeau de Maurice Grand Baie 16-
VIe Drapeau du Bénin Cotonou 2-
VIIe Drapeau de la République socialiste du Viêt Nam Hanoï 14-
VIIIe Drapeau du Canada Moncton 3-
IXe Drapeau du Liban Beyrouth 18-
Xe Drapeau du Burkina Faso Ouagadougou 26-
XIe Drapeau de la Roumanie Bucarest 28-
XIIe Drapeau du Canada Québec 17-
XIIIe Drapeau de la Suisse Montreux 22-
XIVe Drapeau de la république démocratique du Congo Kinshasa 12-
XVe Drapeau du Sénégal Dakar 28-
XVIe Drapeau de Madagascar Antananarivo 26-
XVIIe Drapeau de l'Arménie Erevan 11-
XVIIIe Drapeau de la Tunisie Djerba 20-

Conférence ministérielle de la francophonie[modifier | modifier le code]

La Conférence ministérielle de la francophonie assure la continuité politique du Sommet de la francophonie.

Outre la conférence des ministres chargés de la francophonie, existent la Conférence des ministres francophones de l’éducation nationale des pays ayant le français en partage (CONFEMEN) et la Conférence des ministres francophones de la Jeunesse et des Sports des pays d’expression française (CONFEJES).

Conseil permanent de la francophonie[modifier | modifier le code]

Le Conseil permanent de la francophonie est chargé de la préparation et du suivi du Sommet de la francophonie, sous l’autorité de la Conférence ministérielle. Il exerce un rôle d’animation et de coordination. Présidé par le secrétaire général de l'OIF, cette instance est composée des représentants personnels des chefs d’État ou de gouvernement[19].

En novembre 2017, l'écrivaine et journaliste franco-marocaine Leïla Slimani est nommée représentante du président de la République française, Emmanuel Macron, à ce Conseil[20].

Fonctionnement de l'OIF[modifier | modifier le code]

Secrétaire général[modifier | modifier le code]

Le secrétaire général est chargé de diriger l'OIF dont il conduit l'action politique. Nommée par le Sommet de la francophonie de 2018, Louise Mushikiwabo exerce la fonction depuis le , prenant la suite de Michaëlle Jean[21].

Le secrétaire général nomme un Administrateur chargé d’exécuter et de gérer la coopération, par délégation. Catherine Cano occupe cette fonction depuis le 8 avril 2019 après la passation de pouvoir avec M. Adama Ouane[22]. Adama Ouane occupa ce poste de 2015 à 2019, succédant à Clément Duhaime[23].

Organisation interne[modifier | modifier le code]

Siège de l'OIF, no 19-21 avenue Bosquet (7e arrondissement de Paris).

L’OIF compte plusieurs directions de programme ou d’appui.

Elle dispose de quatre représentations permanentes : à Addis-Abeba, auprès de l’Union africaine et de la Commission économique de l’Afrique de l’ONU, à Bruxelles, auprès de l’Union européenne, à New York et à Genève, auprès des Nations unies.

Six bureaux régionaux sont répartis dans le monde : à Lomé (Togo) pour l’Afrique de l’Ouest[24], à Libreville (Gabon) pour l’Afrique centrale, à Hanoï (Vietnam) pour la zone Asie-Pacifique, à Port-au-Prince (Haïti) pour la Caraïbe et l’Amérique latine, à Bucarest (Roumanie) pour l’Europe centrale et orientale ainsi qu'à Antananarivo (Madagascar) pour l’océan Indien.

300 employés travaillent au siège, à Paris, ou dans les unités hors-siège[25].

Budget[modifier | modifier le code]

Entre 2010 et 2013, le budget annuel moyen de l'OIF est de 85 millions d'euros. La répartition des dépenses est la suivante : 38 % des dépenses concernent la langue française et la diversité culturelle et linguistique, 27% les actions relatives à la paix, la démocratie et les droits de l'homme, 17 % pour l'éducation, la formation, l'enseignement supérieur et la recherche et 12 % pour le développement durable, l'économie et la solidarité[26].

Instances dans l'environnement de l'OIF[modifier | modifier le code]

Les opérateurs de la francophonie[modifier | modifier le code]

Quatre opérateurs directs complètent l'action de l'OIF : l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), TV5 Monde, l'Université Senghor d'Alexandrie et l'Association internationale des maires francophones (AIMF).

Elle coopère avec de nombreuses associations comme l’Association francophone d'amitié et de liaison (AFAL), la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), l’Union internationale de la presse francophone (UPF), l'Association pour la diffusion internationale francophone de livres, ouvrages et revues (ADIFLOR), etc.

Agence universitaire de la Francophonie (AUF)[modifier | modifier le code]

En 1961, est créée l'Association des universités partiellement ou entièrement de langue française - Université des réseaux d’expression française (AUPELF-UREF), une institution multilatérale sans but lucratif[27]. Elle change de nom et devient l'Agence universitaire de la francophonie (AUP), actuellement l’une des plus importantes associations d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche au monde. Elle a pour mission de développer un espace universitaire de langue française en partenariat avec les principaux acteurs concernés, à savoir les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, les enseignants, les chercheurs, les étudiants et les États et Gouvernements contributeurs. Depuis 1989, l’Agence est un opérateur direct de l’OIF.

Le réseau est constitué en 2019 de 909 établissements issus de 113 pays[28]. Ce réseau comprend des établissements (universités publiques et privées, instituts d’enseignement supérieur, centres ou institutions de recherche, réseaux institutionnels et réseaux d’administrateurs liés à la vie universitaire) ainsi que des départements d’études françaises d’établissements universitaires du monde entier.

L’AUF est présente dans plus de 40 pays et dispose d'un réseau de 60 représentations locales (bureaux régionaux, centres d’accès à l’information, campus numériques ou instituts de formation). Son siège se trouve à l’Université de Montréal au Canada.

Elle octroie des financements pour les projets de recherche ainsi que des bourses de doctorat ou de postdoctorat

TV5 Monde[modifier | modifier le code]

Créée en 1984[29], la télévision internationale francophone TV5 Monde rassemble des chaînes de langue française, soit France Télévisions, l’INA, ARTE France et RFO pour la France, la RTBF pour la Belgique, la RTS pour la Suisse, et Radio-Canada et Télé-Québec pour le Canada, en plus du Conseil international des radios-télévisions d’expression française (CIRTEF).

En tant qu'opérateur de l'OIF, TV5 Monde met à disposition un portail multimédia gratuit et interactif pour apprendre et enseigner le français.

Université Senghor d'Alexandrie[modifier | modifier le code]

L’Université Senghor d'Alexandrie (Égypte), créée par le Sommet de Dakar (Sénégal, 1989) ; l’enseignement s’y fait en langue française, elle a été reconnue d’utilité publique internationale.

Association internationale des maires francophones (AIMF)[modifier | modifier le code]

Fondée en 1979, l’AIMF devient un opérateur direct de la francophonie lors du Sommet de Cotonou en 1995. Elle a pour mission d’établir entre les maires et les responsables des capitales et des métropoles partiellement ou totalement francophones une coopération étroite dans tous les domaines de l’activité municipale (gestion des collectivités locales, élaboration de programmes d’informatisation, formation du personnel).

Sa présidente est depuis 2014 Anne Hidalgo, maire de Paris.

L’Association internationale des maires francophones (AIMF) regroupe 156 capitales et métropoles de 46 pays francophones, s’intéresse aux problématiques d’urbanisme et de gestion municipale.

Autres instances dans l'environnement de l'OIF[modifier | modifier le code]

Il existe par ailleurs d’autres organismes de la francophonie tels que le Conseil international des radios-télévisions d’expression française (CIRTEF) ou le Comité international des Jeux de la francophonie (CIJF).

Assemblée parlementaire de la francophonie (APF)[modifier | modifier le code]

Cette assemblée rassemble des représentants des parlements nationaux.

Comité international des Jeux de la francophonie (CIJF)[modifier | modifier le code]

Le Comité international des Jeux de la francophonie (CIJF) veille à la mise en place des Jeux de la francophonie.

Niamey, capitale du Niger, a accueilli la 5e édition du 7 au 17 décembre 2005. Beyrouth, capitale du Liban, a accueilli la 6e édition du 27 septembre au 6 octobre 2009, et Nice, en France, a accueilli ceux de 2013. En 2017 les jeux ont été organisés à Abidjan en Côte d'Ivoire[30].

Quelques initiatives[modifier | modifier le code]

Forum mondial de la langue française[modifier | modifier le code]

Deux forums mondiaux de la langue française ont été organisés, en 2012 et 2015, pour permettre à la société civile et à la jeunesse de débattre des enjeux relatifs à la langue française et de réfléchir à son avenir dans un cadre non institutionnel[31].

Gestion durable de l'environnement[modifier | modifier le code]

L’OIF met en place en 2003 un programme, Maîtrise des outils de gestion de l'environnement pour le développement (MOGED), à travers son organe subsidiaire, l'Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD), pour renforcer les capacités des pays francophones afin qu'ils mettent en place les conditions nécessaires à une transition vers le développement durable[32].

Volontariat International de la francophonie[modifier | modifier le code]

Le programme de Volontariat international de la francophonie est un dispositif de l'OIF en faveur des jeunes lancé depuis 2008. Il a pour objectif le renforcement de la coopération sud-sud en offrant une première expérience d'un an à l'international aux jeunes diplômés des pays membres de la francophonie.

Développement local et solidaire[modifier | modifier le code]

L’OIF lance un programme, PROFADEL, dont les activités sur le terrain débutent en janvier 2012, destiné aux pays francophones en développement des zones géographiques suivantes : Afrique centrale, Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord et Moyen-Orient, Asie-Pacifique, Caraïbes et océan Indien. Les premiers pays bénéficiaires ont été la République centrafricaine, le Rwanda, le Sénégal et le Togo. Le programme concerne les communautés rurales et les populations les plus défavorisées, avec une attention particulière accordée aux activités des jeunes et des femmes[33].

Objectif 2030[modifier | modifier le code]

L'initiative Objectif 2030 est un dispositif mis en place par l'OIF à travers l'Institut de la francophonie pour le développement durable (IFDD) pour soutenir la mise en œuvre des objectifs de développement durable dans l'espace francophone. Dédiée aux acteurs non étatiques, elle vise à favoriser des progrès concrets en matière de développement durable par l'information, l'appui aux actions et solutions novatrices qui allient inclusion sociale, progrès économique et protection de la planète de même que le partage de bonnes pratiques[34].

Forum francophone des affaires[modifier | modifier le code]

Le Forum Francophone des Affaires est un réseau international d'entreprises créé en 1987 qui accompagne les acteurs économiques en français dans le monde pour renforcer leur position[35].

Critiques envers l'Organisation internationale de la francophonie[modifier | modifier le code]

Défaillances en matière des droits de l'Homme[modifier | modifier le code]

Le peu de cas que fait l'OIF des droits de l'homme – pourtant qualifiés « d'impératifs catégoriques » par le secrétaire général Boutros-Ghali – au sein même de l'organisation est dénoncé, particulièrement depuis 1999 alors que celle-ci fait l'objet de vives attaques dans la presse canadienne en marge du Sommet de Moncton (Nouveau-Brunswick). Les journaux soulignent l'hypocrisie de l'OIF mais également du Canada, qui tout en inscrivant le respect des droits de l'homme comme objectif prioritaire, s'abstiennent de critiquer, et encore moins de sanctionner les pays membres dirigés par des « tyrans ». On rappelle qu'Amnesty International a compté pas moins de 35 pays membres de l'OIF coupables de violation des droits de l’homme, tandis que Reporters sans frontières en comptabilisait 15 où la liberté de la presse n’est pas respectée[36],[37]. Vingt ans plus tard, l'état des lieux en matière de démocratie, de bonne gouvernance et de respect des droits de l'Homme au sein de plusieurs pays membres a peu changé. À cet égard, la décision du président Macron en 2018 d’imposer comme nouvelle secrétaire générale de l'OIF Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères du Rwanda et ferme soutien du président Paul Kagame, a été vivement critiquée. Une tribune signée par quatre anciens ministres français chargés de la francophonie dénonce, d'une part, une décision unilatérale du président français prise sans concertation aucune avec les 80 pays membres, et, d'autre part, un choix fort critiquable eu égard au fait que le Rwanda est loin d'être un modèle qu’en matière de démocratie et des droits de l'homme[38].

Prolifération des États membres non francophones[modifier | modifier le code]

Tout comme la prolifération des champs d’action de l'organisation, l'accroissement constant du nombre d'États et de gouvernements membres, qui est passé de 21 à sa fondation en 1970, à 88 en 2019 – et dont plus de la moitié n'ont qu'un rapport lointain sinon inexistant avec la langue française – est un sujet de préoccupation et de critiques. Dans un ouvrage sur l'espace francophone publié en 1996, les linguistes Daniel Baggioni et Roland Breton font observer à propos des dernières candidatures que « les arguments manquent pour justifier intellectuellement l'adhésion de la Bulgarie ou de l'Angola. Seuls les critères politico-diplomatiques peuvent expliquer ces curieuses extensions de la francophonie »[39]. À la même époque, Xavier Deniau, fondateur de l'Association des parlementaires de langue française et auteur de La Francophonie[40] dit craindre que l'élargissement de la Francophonie à des pays qui ne parlent pratiquement pas français contribue à diluer l'action de celle-ci[37]. L'arrivée de l’ex-secrétaire général de l’ONU Boutros-Ghali à la tête de l'OIF va accélérer à la fois l'adhésion de nouveaux membres et l'augmentation des objectifs et missions. On parle alors de « mini ONU » d'« ONU-bis ». Jacques Legendre, rapporteur sur la francophonie au sein de la commission des affaires culturelles du Sénat français, dit craindre que l'organisation devienne un « doublon médiocre de l'assemblée générale de l'ONU ».

En dépit des appels à un moratoire sur l'adhésion d’États qui ont peu ou rien à voir avec la francophonie[41],[42], chaque nouveau sommet apporte sa fournée hétéroclite d'États non francophones — la Bosnie-Herzégovine, la République dominicaine, les Émirats arabes unis, l'Estonie et le Monténégro en 2010, le Qatar et l'Uruguay en 2012, le Mexique, le Costa Rica et le Kosovo en 2014. À cette occasion, le quotidien montréalais Le Devoir, très engagé dans la francophonie et la défense du français, ironise sur « les allures de joyeuse maison de fous » que prend l'OIF et fait remarquer que plusieurs membres de l'OIF ne reconnaissent même pas le Kosovo comme État[43]. Dans un article intitulé La francophonie en pleine errance, Marie Verdier du quotidien français La Croix, en plus de critiquer vivement elle aussi le choix de Louise Mushikiwabo comme secrétaire général, se désole de « l'ouverture sans fin de l’OIF »[44]. On a émis l’hypothèse que ces États cherchent dans l’OIF un autre espace d'influence, ce qui semble bien être le cas de l’Irlande, qui présente son adhésion à l'OIF en 2018 comme s'inscrivant dans son plan Global Ireland qui vise à « intensifier la présence et de doubler l’influence de l’Irlande dans le monde à l'horizon 2025 ».

Gestion interne[modifier | modifier le code]

L'organisation est mise en cause pour sa politique de ressources humaines ainsi que pour les défauts de son contrôle de gestion, et l'allocation de ses ressources[45].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Budget de l'OIF », sur www.francophonie.org (consulté le 4 mai 2015).
  2. « Repères dans l'histoire de la francophonie », sur cairn.info/, Hermès, La Revue, CNRS Editions, (ISBN 2271062462, consulté le 14 février 2019)
  3. Christian Valantin, « De la communauté organique aux institutions de la francophonie », sur cercle-richelieu-senghor.org
  4. « Discours de Malraux introductif à la Conférence de Niamey de 1969 », sur malraux.org
  5. « Texte de la convention ACCT de 1970 », sur erudit.org
  6. David Meren, « De Versailles à Niamey. Le patrimoine constitutionnel canado-britannique du Québec et sa participation au sein de la francophonie, 1968-1970 », sur erudit.org, Culture et relations internationales
  7. Frédéric Turpin, « Du bon usage des « pères fondateurs » : Jacques Chirac, un « père fondateur » oublié de la francophonie politique ? », Revue internationale des francophonies,‎ (ISSN 2556-1944, lire en ligne)
  8. « Sommet de Bucarest : l’Organisation internationale de la francophonie », sur monde-diplomatique.fr, (consulté le 16 février 2019)
  9. L'Organisation internationale de la francophonie sur le site de La Documentation française
  10. Hervé Cronel, « Que fait la francophonie de l'économie ? », Hermès, La revue,‎ , p. 155 à 157 (lire en ligne)
  11. Pierre-André Wiltzer, « Recentrer la francophonie sur sa mission centrale : la promotion de la langue française », Revue internationale et stratégique,‎ , p. 131 à 134 (lire en ligne)
  12. « La Francophonie au bord de la cacophonie ? », sur TVA Nouvelles (consulté le 17 février 2019)
  13. Dominique Lelièvre, « L’Organisation internationale de la Francophonie ne doit plus être «un party de dignitaires», selon Régis Labeaume », sur Le Journal de Montréal (consulté le 17 février 2019)
  14. Louis Duvernois et Claudine Lepage, « Francophonie : un projet pour le 21e siècle », Rapport d'information du Sénat,‎ (lire en ligne)
  15. « Évaluation stratégique de la contribution française à l’Organisation internationale de la francophonie (2010-2015) », sur diplomatie.gouv.fr,
  16. « Portail de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) », sur Organisation Internationale de la Francophonie (consulté le 29 juillet 2021)
  17. « Les défis de la francophonie », sur leparisien.fr,
  18. « Le français, cinquième langue la plus parlée dans le monde », sur lemonde.fr,
  19. « Conférence ministérielle de la Francophonie (Paris, 25-26 novembre 2017) », sur diplomatie.gouv.fr, (consulté le 10 février 2019)
  20. « L'écrivaine Leïla Slimani nommée représentante de Macron pour la Francophonie », sur lexpress.fr, (consulté le 10 février 2019)
  21. « Sommet de l'OIF: Mushikiwabo désignée secrétaire générale de la Francophonie », sur rfi.fr,
  22. « Catherine Cano prend ses fonctions en tant qu’Administratrice de l’OIF | Organisation internationale de la francophonie », sur www.francophonie.org (consulté le 12 mars 2020)
  23. « Francophonie : Clément Duhaime joue la transparence », sur jeuneafrique.com/, (consulté le 10 février 2019)
  24. « Bureaux regionaux » (consulté le 16 octobre 2018)
  25. « L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) - Organisation internationale de la Francophonie », sur www.francophonie.org (consulté le 16 octobre 2018)
  26. Rapport d'information du Sénat et Claudine Lepage, Francophonie : un projet pour le 21e siècle : Francophonie et Organisation internationale de la francophonie (OIF) : ne pas oublier la langue, (lire en ligne)
  27. « Loi concernant l’Agence universitaire de la francophonie », sur legisquebec.gouv.qc.ca/
  28. « 52 établissements universitaires algériens membres de l'Agence universitaire de la francophonie », sur Al HuffPost Maghreb, (consulté le 16 février 2019)
  29. « TV5 Monde », sur La France en Chine (consulté le 3 janvier 2018)
  30. Site des jeux de la francophonie.
  31. Forum mondial de la langue française
  32. « Maîtrise des outils de gestion de l’environnement pour le développement », sur ifdd.francophonie.org, (consulté le 23 juillet 2020)
  33. Lancement de PROFADEL, le nouveau programme francophone d'appui au développement local
  34. Objectif 2030, « Objectif 2030 », sur www.objectif2030.org (consulté le 28 août 2018)
  35. Stève Gentili, « Le FFA, seule organisation économique internationale associée au Sommet des chefs d'état et de gouvernement francophones », Géoéconomie,‎ , p. 87 à 97 (lire en ligne)
  36. La presse canadienne fait assaut de critiques sur la Francophonie Agence France-Presse, 1er septembre 1999.
  37. a et b Christian Rioux, « La Franco... quoi? », Le Devoir, 4 septembre 1999.
  38. « Louise Mushikiwabo n’a pas sa place à la tête de la Francophonie », Le Monde, 13 septembre 2018.
  39. Cité dans La « francophonie » : définitions et usages, Quaderni, 2006, volume 62, numéro 1, p. 97.
  40. Presses Universitaires de France, Que sais-je ?, 1983, 2001)
  41. Par exemple lors du sommet de Beyrouth en 2002, alors que la ministre des relations internationales du Québec, Louise Beaudoin, propose que les critères d’admission soient resserrés. Beyrouth: la démocratie écope Christian Rioux, Le Devoir, 17 octobre 2002.
  42. Dans la foulée du sommet de Kinshasa en 2012, on avait convenu qu’on limiterait l'élargissement de l’OIF, et plusieurs membres avaient même réclamé une pause, mais ce fut en vain. Faut-il encore élargir la Francophonie? Christian Rioux, Le Devoir, 26 novembre 2016.
  43. Francophonie ou Francofunny, Stéphane Baillargeon, Le Devoir, .
  44. La francophonie en pleine errance Marie Verdier, La Croix, 11 octobre 2018.
  45. Emmanuel Fansten, « Dépenses, opacité, démissions… La Francophonie en perd son latin », sur Libération, (consulté le 28 avril 2021)

Annexes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Georg Glasze, « The Discursive Constitution of a World-spanning Region and the Role of Empty Signifiers: the Case of Francophonia », Geopolitics, vol. 4, pages 656-679, 2007 ([1]).
  • Olivier Milhaud, Post-Francophonie ?, EspacesTemps.net, 2006 ([2]).
  • Ouvrage de référence La langue française dans le monde 2014 (Observatoire de la langue française OIF / Éditions Nathan), 2014 ([3].
  • Olivier Kassi, Francophonie et justice : contribution de l'Organisation Internationale de la Francophonie à la construction de l’État de droit, L'Harmattan, 2020.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]