Conversion à l'islam
La conversion à l'islam est l'adoption des croyances et des rites musulmans. Sur un plan formel, cette conversion s'effectue en récitant — avec sincérité — la profession de foi musulmane, la chahada (en arabe : ٱلشَّهَادَة aš-šahāda) ou double attestation, de l'unicité de Dieu et de la mission prophétique de Mahomet.
Généralités[modifier | modifier le code]
La formule arabe à prononcer pour se convertir, la chahada, est « Achḥadou an lâ illâḥa illa-llâḥ, wa-achḥadou anna Mouḥammadan rassoûlou-llâḥ »[1], ce qui signifie : « J'atteste qu'il n'y a pas de divinité excepté Allah, et j'atteste que Mahomet est le Messager d'Allah ».
La présence de deux témoins musulmans n'est requise que pour des raisons probatoires.
Lorsqu'un adulte décide d'embrasser la foi musulmane, que ce soit un athée ou un croyant d'une autre religion (son acte est alors appelé apostasie), l'individu doit réciter lui-même la chahada ou la répéter. Il existe théoriquement la nécessité de vouloir librement et volontairement se convertir (en arabe niyya)[2], laquelle est éventuellement précédée d'un acte de purification par ablutions appelé tahara avant de prononcer la chahada dans le cadre de la conversion.
Outre l'attestation de foi, qui est le premier pilier de l'islam, le nouveau musulman doit se conformer aux quatre autres piliers, à savoir :
- prier selon l'Islam (salat) ;
- verser l'aumône (zakat) ;
- effectuer le jeûne (saoum) lors du mois béni de ramadan ;
- aller en pèlerinage à La Mecque (Hajj) au moins une fois dans sa vie, si le croyant en a la possibilité.
À cela vient s'ajouter l'acceptation des autres préceptes de l'islam[3]. Conformément au verset 256 de la deuxième sourate (Al-Baqarah, la vache) du Coran, qui affirme qu'il n'y a pas de contrainte en religion, une conversion forcée est frappée de nullité. La conversion doit constituer un acte libre et volontaire[4].
L'islam n'opère pas de distinction entre le musulman converti et le « musulman de naissance », dans la mesure où l'islam est considéré comme la « religion naturelle » de tout être humain, contenue dans la fitra (la saine nature).
En raisonnant à partir de l'exemple d'Abraham qui s'est circoncis, lui-même, à l'âge de sa vieillesse, les docteurs de l'islam considèrent très majoritairement que la circoncision est obligatoire à tout âge, pour l'enfant « né » musulman comme pour l'adulte mâle qui se convertit[5].
Dans les pays musulmans, un certificat de conversion peut être exigé pour pouvoir se marier avec un musulman ou une musulmane ou encore entrer en Arabie Saoudite aux fins de pèlerinage et/ou de visite pieuse à La Mecque et à Médine [6].
Histoire[modifier | modifier le code]
L'historienne Jacqueline Chabbi explique que les conversions à l'islam étaient difficiles au début pour les non-Arabes car : « l’islam tribal était resté non convertisseur. Pour devenir musulman il fallait parvenir à se rattacher à un clan issu d’une tribu de la péninsule arabique […] car le religieux était vécu comme l’appartenance à une alliance, le wala’ qui passait d’abord par les hommes avant d’autoriser le rattachement à un dieu. C’est sous leurs successeurs [aux Omeyyades], les Abbasides [sic] (pourtant eux aussi d’origine mekkoise), que s’effectue la sortie du tribalisme et que se construit (du IXe siècle au Xe siècle) l’islam-religion sur le modèle des religions proche-orientales préexistantes, produisant à la fois un ritualisme, un juridisme, et une spiritualité qui correspondaient aux attentes des sociétés non tribales »[7].
Néanmoins, pour Malek Chebel, des débuts de l'islam aux premières dynasties, l'islamisation était au programme de l'État impérial[4],[8]. La diffusion de cette religion hors du monde arabe serait en partie liée aux flux migratoires et commerciaux croissants venant de pays à population fortement musulmane, ces populations émigrées exerçant le prosélytisme dans leur pays d'accueil. Dans le cas de la Perse, puis de l'Inde, du Maghreb et de l'Espagne, les guerres d'expansion arabes ont pris le relais.
Premiers convertis[modifier | modifier le code]
Les trois premiers non-Arabes à avoir accepté l’islam à l’époque de Mahomet seraient :[réf. nécessaire]
- l’Éthiopien Bilal,
- le Romain Sohaib (Suhayb ar-Rumi),
- Salman le Perse.
Conversions forcées[modifier | modifier le code]
Selon l'historien Bernard Lewis, il y aurait peu eu de conversions forcées durant les premiers siècles de conquêtes islamiques, la persuasion ayant suffi[9],[10]. Cependant, dès l'avénement de l'islam, Mahomet donne à choisir aux tribus juives de Médine entre la conversion et l'exil mais également entre la conversion ou la mort[9]. Par la suite, le monde musulman fixant dans ses institutions trois types d'inégalité fondamentale (du maître à l'esclave, de l'homme à la femme, du musulman à l'infidèle), la dernière catégorie est réputée relever d'un statut libre et volontaire, dont elle doit en supporter les sanctions en tant que juif ou chrétien appartenant aux gens du Livre, en devenant dhimmis en pays musulman[11],[9],[12]. Quant aux autres religions, elles n'ont qu'à choisir entre la mort, l'islam ou l'esclavage, souvent les deux derniers ensemble[9]. Ce sont les raisons pour lesquelles l'histoire regorge de conversions forcées à l'islam, du Moyen Âge à nos jours[13],[14],[15],[16],[17],[18],[8],[19],[20],[21],[22],[23].
Statistiques actuelles[modifier | modifier le code]
Localisation[modifier | modifier le code]
80 % des musulmans vivent en dehors de la région d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient (MENA) où se trouvent les pays arabophones, un cinquième d’entre eux vivant dans des pays à minorité musulmane ; ainsi, la communauté musulmane d'Inde est la troisième du monde en nombre (derrière celles du Pakistan et de l'Indonésie), et on trouve davantage de musulmans en Chine qu’en Syrie ; le nombre des musulmans en Russie (une vingtaine de millions) dépasse le total des musulmans de Libye (6,5 millions) et de la Jordanie (10 millions)[24], tout cela étant bien entendu à comparer aux effectifs totaux des pays en question, ce que permet le site Nationmaster[25].
Près de la moitié des musulmans du monde se tournent vers l'Ouest pour prier[26].
Conversions[modifier | modifier le code]
Les statistiques concernant le nombre de conversions à l'islam et d'apostasies de l'islam sont rares[27], d'autant plus que l'apostasie est passible de mort dans nombre de pays musulmans[28],[29],[30]. Toutefois, les statistiques suggèrent que cette religion connaît approximativement autant d'arrivées que de départs[27].
Conversions en Occident[modifier | modifier le code]
Surreprésentation des femmes[modifier | modifier le code]
Les femmes représentent une part disproportionnée et / ou à la hausse des convertis à l'islam dans de nombreux pays occidentaux. Selon les chercheurs basés à l'Université britannique de Swansea, sur approximativement 100 000 personnes qui sont entrées dans la foi musulmane au Royaume-Uni entre 2001 et 2011, 75 % étaient des femmes[31]. Aux États-Unis, plus de femmes hispaniques se convertissent à l'islam que d'hommes hispaniques[32] ; la part globale des femmes converties à l'islam aux États-Unis est passée de 32 % en 2000 à 41 % en 2011[33]. Les jeunes femmes constituent environ 80 % de convertis à l'islam en Lituanie[34]. Selon Susanne Leuenberger de l'Institut des études avancées dans les sciences humaines et les sciences sociales à l'Université de Berne en Suisse, les femmes représentent environ 60-70 % de conversions à l'islam en Europe[35].
France[modifier | modifier le code]
En France[36], selon une étude de l'INED et de l'Insee publiée en octobre 2010, il y aurait de 70 000 à 110 000 convertis[37],[38],[39],[40],[41] et 3 500 personnes se convertiraient à l'islam par an[42].
Djelloul Seddiki, directeur de l'Institut de théologie El Ghazali de la Grande Mosquée de Paris, avance le chiffre de 1 million de convertis en France en 2013[43].
Tous ces chiffres sont néanmoins à considérer avec prudence, car, malgré des dérogations possibles, les statistiques ethnico-religieuses sont interdites en France[44],[36].
« La conversion à l’islam en France a la particularité d’être une démarche souvent mal comprise qui suscite la controverse »[36].
Parmi les théologiens musulmans célèbres qui sont des convertis à l'islam en France, on peut notamment citer le professeur Eric Younous diplômé de l'université islamique de Médine en « Droit musulman et ses fondements » et en « Langue arabe », Abdallah Penot, Éric Geoffroy, Corentin Pabiot[Qui ?], Serge Abdallah Althaparro[Qui ?], Jean Abd-al-Wadoud Gouraud[Qui ?], ou encore Karim Al-Hanifi (Romain Sirugue)[Qui ?]. Et parmi les célébrités qui se sont converties à l'islam en France, on peut mentionner le général Jacques de Menou de Boussay, l'explorateur Louis du Couret, le militaire Joseph Sève, le chorégraphe Maurice Béjart, l'homme politique Roger Garaudy, la chanteuse Diam's, les footballeurs Nicolas Anelka, Frédéric Kanouté, Franck Ribéry, Paul Pogba, les rappeurs Akhenaton, Kery James, Gims, Abd al Malik[45], Kaaris[46].
Royaume-Uni[modifier | modifier le code]
Au Royaume-Uni, le nombre de convertis à l'islam est passé d'environ 60 000 en 2001 à plus de 100 000 en 2011. Environ 5 200 hommes et femmes ont adopté l'islam en 2011, dont 1 400 à Londres avec là aussi une majorité de femmes puisque près des deux tiers étaient des femmes. Plus de 70 pour cent de ces convertis étaient des Blancs et l'âge moyen de conversion de 27 ans[47].
Notes et références[modifier | modifier le code]
- « أشهد أن لا إله إلا الله وأشهد أن محمد رسول الله »
- Malcolm Clark et Malek Chebel (trad. de l'anglais), L'Islam Pour les Nuls, Paris, First, , 485 p. (ISBN 978-2-7540-0531-9, lire en ligne), p. 159.
- (en) Reza Aslan, No god but God : The Origins, Evolution and Future of Islam, Londres, Arrow books/Random House, , 310 p., poche (ISBN 978-0-09-947232-2), p. 147-150
- Malek Chebel, Dictionnaire des symboles musulmans, Édition Albin Michel, p. 111
- (ar) Sayyid Sâbiq (trad. Corentin Parabiot), Fiqh As-Sunna : L'intelligence de la norme prophétique, t. 1, Paris, Ennour, , 744 p. (ISBN 2-7524-0004-7), p. 40
- La conversion et la présence des témoins par Ahmad Kutty.
- Jacqueline Chabbi, « Les interviews d'Altaïr : Jacqueline Chabbi », sur altair-thinktank, (consulté le 17 août 2020).
- Osman Turan, « L'Islamisation dans la Turquie du Moyen Age », Studia Islamica, no 10, , p. 137–152 (ISSN 0585-5292, DOI 10.2307/1595129, lire en ligne, consulté le 6 février 2021)
- Bernard Lewis, L'islam et les non-musulmans, Annales. Histoire, Sciences Sociales, 1980, volume 35, numéro 3-4, page 787
- Yves Montenay, « Conquêtes musulmanes et conversions », sur Contrepoints, (consulté le 6 février 2021)
- G. Bensoussan & P. Fenton, « Juifs en terres arabes - Cours n° 2/7 : Les conversions forcées des juifs à l'islam, actualité Juifs en terres arabes », sur www.akadem.org, (consulté le 17 décembre 2019)extraits:
- Conversion et mise à l'écart - Situation précaire sous les Almohades
- Face aux présomptions d'insincérité - Piété remise en cause
- Défense des savants néo-musulmans - Musulmans fidèles et pieux
- Algérie, Tunisie, conversions collectives et témoignages
Voir aussi[modifier | modifier le code]
Articles connexes[modifier | modifier le code]
- Apostasie dans l'islam
- Chahada
- Islamisation
- Musulmans noirs américains
- Relations entre l'islam et les autres religions
- Conversions forcées au Pakistan
- Conversion forcée
- Tribus musulmanes et juives de Yathrib
Bibliographie[modifier | modifier le code]
- Lisbeth Rocher et Fatima Cherquaoui, D'une foi l'autre : Les conversions à l'Islam en Occident, Éditions Du Seuil, , 221 p. (ISBN 978-2-02-009037-7, lire en ligne)
- Stefano Allievi, Les convertis à l'islam : Les nouveaux musulmans d'Europe, Éditions L'Harmattan, , 384 p. (ISBN 978-2-296-38012-7, lire en ligne)
- Stefano Allievi, Les conversions à l'Islam. Redéfinition des frontières identitaires entre individu et communauté. In Dassetto F. (dir.). Paroles d'Islam. Paris : Maisonneuve et Larose. p. 157-180, 2000.
- Mercedes García-Arenal, Conversions islamiques : identités religieuses en islam méditerranéen, Maisonneuve et Larose, , 460 p. (ISBN 978-2-7068-1574-4, lire en ligne)
- Marie d' Auzon, Convertie, Éditions Toucan, , 208 p. (ISBN 978-2-8100-0417-1, lire en ligne)
- Fatima Oujibou, Converties de l'Islam : témoignages, Versailles, Éditions de Paris, , 150 p. (ISBN 978-2-85162-249-5, lire en ligne)
- Sandrine Moulères, Les boucs émissaires de la République : moi, Sandrine, ma vie, mon histoire, ma vérité, Paris, J'ai lu, , 121 p. (ISBN 978-2-290-03216-9, lire en ligne)
- Géraldine Mossière, Converties à l'islam. Parcours de femmes au Québec et en France, Montréal, P U De Montreal, , 264 p. (ISBN 978-2-7606-3186-1)
- Clara Sabinne, Mon fils s'est converti à l'islam : Le témoignage d'une mère, La boîte à Pandore, , 144 p. (ISBN 978-2-39009-015-1, lire en ligne)
- Virginie Riva, Converties, Paris, Éditions du Seuil, 204 p. (ISBN 978-2-02-118067-1)
- Mélanie Georgiades, Mélanie, française et musulmane, Don Quichotte, , 240 p. (ISBN 978-2-35949-329-0, lire en ligne)