Florence Bergeaud-Blackler

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Florence Bergeaud-Blackler, née en 1964 à Bordeaux, est une anthropologue française, chargée de recherche CNRS, en poste au laboratoire Groupe Sociétés, Religions, Laïcités de l'EPHE, habilitée à diriger des recherches depuis 2019. Ses travaux de recherches portent sur les questions de la normativité islamique dans les sociétés sécularisées, les procédés d’endoctrinement salafiste[1] et le marché halal.

Biographie[modifier | modifier le code]

Elle commence sa carrière professionnelle dans l’aéronautique, en tant que informaticienne. Florence Bergeaud-Blackler décide de réorienter sa carrière et entreprend des études en sciences sociales à l'Université de Bordeaux, elle termine avec un DEA en anthropologie en 1995.

Après son DEA, elle continue avec un doctorat en sociologie. Elle rédige sa thèse sous la direction de Didier Lapeyronnie, sur le sujet « L'institutionnalisation de l'Islam à Bordeaux : enjeux sociaux, politiques et économiques de l'implantation du culte musulman dans un espace urbain »; elle obtiendra son doctorat en 1999.

Elle devient chercheuse à l'Université d'Aix-Marseille, puis à l'Université de Manchester. Elle fut lauréate d'une bourse Marie Curie à l'Université Libre de Bruxelles. Depuis 2000, Florence Bergeaud-Blackler participe à plusieurs projets de recherche sur le marché halal et l'abattage rituel et dirige ces projets[2]. Elle est la représentante française du projet européen DIALREL qui mobilise des chercheurs de plusieurs pays européens, de Turquie, d'Israël, de Nouvelle-Zélande[3]. Elle est recrutée au CNRS en 2013.

En 2016, sa contribution à la connaissance du halal profite à la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte[4],[5], notamment sur l'étude de la faisabilité d'une taxe ou contribution pour financer le culte musulman et l'islam en France. Pour Florence Bergeaud-Blackler, cette taxe n'est ni faisable ni souhaitable, car elle ne serait pas respectueuse de la Loi de séparation des Églises et de l'État, ni de la Liberté de religion[6],[7],[8]. Elle défend l'idée qu'une telle loi favoriserait une culture fondamentaliste dans les communautés musulmanes françaises[9].

En 2017, Florence Bergeaud-Blackler donne deux séminaires à l’Université catholique de Louvain: l’un portant sur son ouvrage «Le marché halal ou l’invention d’une tradition» et l’autre «Halal, spiritualité de l'Islam dans le management»[10].

Florence Bergeaud-Blackler est directrice du conseil scientifique de l'Observatoire des fondamentalismes, créé à Bruxelles en 2020 par la militante laïque Fadila Maaroufi. Le député Georges Dallemagne et l'essayiste Céline Pina en sont notamment membres[11].

Les recherches de Florence Bergeaud-Blackler portent principalement sur les normativités islamiques, l’étude des conditions sociales et juridiques de production des aliments compatibles avec la religion, dans un contexte industriel européen. Ses travaux concernent les marchés des viandes dites « rituelles » (halal et casher) et plus largement le consumérisme religieux[3]. Son objectif est de renouveler la réflexion en sciences sociales sur les relations entre politique et religieux en les articulant à un troisième terme : l'économique. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages et nombreux articles sur le marché halal.

Elle a soutenu une thèse d'habilitation à diriger des recherches à l'EHESS en 2019. Composition du jury : Hamit Bozarslan (président), Dominique Avon, Nathalie Clayer, Stéphane Dudoignon (tuteur), Jérôme Maucourant, Joan Stavo-Debauge, Laurent Thévenot.

Travaux[modifier | modifier le code]

L'espace normatif[modifier | modifier le code]

En 2015, elle publie un livre, Les Sens du Halal, résultat de ses recherches sur les normativités islamiques, et dans cas précis: le halal[12]. Le marché halal était d’abord limité au contrôle de l’abattage rituel, puis à l’aube des années 2000, avec l’aide de la Malaisie par le biais du codex Alimentarius (organe de normalisation alimentaires de référence des pays de l’OMC), il s’est étendu à toute l’alimentation, puis aux autres produits de consommation: les cosmétiques, les médicaments, les vaccins etc.[12] En parallèle est né le marketing islamique, la mode charia compatible (dont le burkini est issu), les hôtels et le tourisme halal, sous l’influence d’entrepreneurs turcs issus de la vague de réislamisation qu’a connue la Turquie dans les années 1980-1990[13].

Le marché halal[modifier | modifier le code]

En 2017, Florence Bergeaud-Blackler publie un ouvrage, Le marché halal ou l’invention d’une tradition, fruit d’un travail de recherche sur le marché halal[14]. Dans ce livre, l’anthropologue développe le résultat de ses recherches: le halal ne serait pas une ancienne tradition religieuse prescrite par le Coran, mais un phénomène récent, datant du début des années 80, qui serait davantage une stratégie marketing[15]. Pour démontrer sa thèse, sur le plan théologique, elle s’appuie notamment sur la sourate 5, verset 5 du Coran, qui dit: « Vous sont permises, aujourd'hui, les bonnes nourritures. Vous est permise la nourriture des gens du Livre (chrétiens et juifs), et votre propre nourriture leur est permise »[16]; confirmée dans une fatwa du théologien Mohamed Abduh.

Elle dit constater que le marché halal, pesant ± 635 milliards $ par an dans le monde, est une coproduction entre l'économie néolibérale mondialisée d’une part et les mouvements fondamentalistes de l’islam d’autre part[14]. L’émergence du marché halal changea la définition du concept « halal », qui indiquait à l'origine « ce qui est autorisé ». Aujourd'hui, il a une connotation exclusive: ce qui n'est pas halal (autorisé) est haram (pas autorisé)[14].

Selon Florence Bergeaud-Blackler, le halal comme « tradition inventée », est le résultat d’un deal entre des pays islamique et des « marchands capitalistes »[17]. Elle attribue l’impulsion de cette normativité islamique à l’Iran, après la prise de pouvoir de l’ayatollah Khomeini et la révolution iranienne[17]. Soucieux de son exigence de pureté révolutionnaire, la République islamique d’Iran a envoyé des délégations religieuses chez les fournisseurs étrangers pour exiger des abattages rituels; créant de fait une normativité islamique d’une pratique profane[14]. À ce titre, elle s’inspire de l’économie des conventions sur cette question et fait l’hypothèse que « c’est le marché qui fixe la qualité et non pas la qualité qui fixe le marché »[17].

Le voile islamique[modifier | modifier le code]

L’anthropologue s’étonne toujours des simplifications sur la question de la signification du voile islamique, elle constate que beaucoup ignorent son sens véritable et son histoire théologique[18]. Elle note que la plupart de ceux qui en parlent en public ne sont pas au courant des débats actuels sur les normes islamiques[18] et déplore que les néoféministes utilisent le hijab, comme les islamistes s’en servent, pour leurs projets politiques respectifs; participant de faites à la banalisation de l’islamisme et à sa diffusion au mépris des populations musulmanes[19]. Florence Bergeaud-Blackler dit voir une évolution dans la norme islamique: autrefois tout ce qui n'était pas haram (interdit) était halal (autorisé) mais aujourd'hui tout ce qui n'est pas halal (et le terme n'est plus seulement utilisé pour la nourriture, mais pour toutes sortes de choses, jusqu'aux agences de voyages) est haram[18]. Tout ce qui n'indique pas clairement qu'il est halal doit être rejeté[18].

Publications[modifier | modifier le code]

Livres[modifier | modifier le code]

Revues scientifiques[modifier | modifier le code]

  • « La viande halal peut-elle financer le culte musulman? », Paris, Journal des anthropologues, n°84, année 2001, p. 145-171 - [lire en ligne]
  • « De la viande halal à l'halal food », Paris, Revue européenne des migrations internationales, vol. 21, année 2005, p. 125-147 - [lire en ligne]
  • « Halal : d’une norme communautaire à une norme institutionnelle », Paris, Journal des anthropologues, n°106-107, année 2006, p. 77-103 - [lire en ligne]
  • « Islamiser l’alimentation: Marchés halal et dynamiques normatives », Paris, Belin, coll. Genèses, 2012/4 (n° 89), p. 61-87 - [lire en ligne]
  • « L’école au défi de l’espace alimentaire halal », Paris, Histoire, monde et cultures religieuses, n°32, 2014, p. 103-118 - [lire en ligne]
  • « Comment la « norme halal » travaille le Paysage Islamique Français », Paris, Confluences Méditerranée, n°95, 2015, p. 91-108 - [lire en ligne]
  • « Le marché halal mondial », Paris, Revue du Mauss, n°49, 2017, p. 48-61 - [lire en ligne]

Rapports[modifier | modifier le code]

  • « Intermediate EU report on the institutional dimensions of Consumer Trust in Food », Florence Bergeaud-Blackler, Aix Marseille Université, halshs-00007191, 2004 - [lire en ligne]
  • « Halal and Kosher consumers in Europe : opinions and attitudes towards religious slaughter », Florence Bergeaud-Blackler, Paris, IREMAM, FP6-2005-FOOD-4-C, 2010 - [lire en ligne]
  • « Restraining systems for bovine animals slaughtered without stunning », Florence Bergeaud-Blackler, Paris, European Commission, SANCO/2012/10357, 2019 - [lire en ligne]

Articles[modifier | modifier le code]

  • « Il ne peut pas y avoir de police d'Etat du halal », La Revue Parlementaire, sept. 2016 - [lire en ligne]
  • « Modest fashion: marketing islamique au salon de l’UOIF », Le Figaro, 19 avr. 2019 - [lire en ligne]
  • « Comment l’économie halal favorise le séparatisme », Marianne, 27 fév. 2020 - [lire en ligne]
  • « Marketing islamique: Quand fondamentalisme et capitalisme s’allient contre la liberté des femmes », Le Figaro, 6 mars 2020 - [lire en ligne]
  • « Le hijab et les errements du néo-féminisme », Le Soir, 20 juillet 2020 - [lire en ligne]
  • « L'Europe de la recherche et le financement des Frères musulmans », Le Point, 18 nov. 2020 - [lire en ligne]
  • « Pourquoi les islamistes s’en prennent à l’école de la République. », Revue des Deux Mondes, 20 nov. 2020 - [lire en ligne]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Géraldine Woessner, « EXCLUSIF. Comment les salafistes endoctrinent », sur Le Point, (consulté le )
  2. « Projets | Florence BERGEAUD-BLACKLER », sur bergeaud.blackler.eu (consulté le )
  3. a et b « Presse, médias | Florence BERGEAUD-BLACKLER », sur bergeaud.blackler.eu (consulté le )
  4. « Mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France et de ses lieux de culte - Sénat », sur www.senat.fr (consulté le )
  5. « De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés », sur www.senat.fr (consulté le )
  6. Selon elle l’État ne devrait intervenir que sur deux points : d’une part pour encadrer les pratiques d’abattage des animaux de sorte que la loi commune sur le bien-être animal, l’hygiène, la sécurité, soit appliquée, et d’autre part pour interdire les allégations mensongères. 
  7. Florence Bergeaud-Blackler, « “Il ne peut pas y avoir de police d'Etat du halal” », La revue Parlementaire,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « F. Bergeaud-Blackler : « La poule aux œufs d’or halal montre sa tête à chaque présidentielle » », lesechos.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Bernadette Sauvaget, « Faut-il instaurer une taxe halal ? », Libération,‎ (lire en ligne)
  10. Site de l’UCLouvain online
  11. Florence Bergeaud-Blackler : "L'islamisme est un sujet tabou en Belgique", lexpress.fr, 3 juin 2021
  12. a et b Nathalie Silbert, « F. Bergeaud-Blackler : «La poule aux œufs d’or halal montre sa tête à chaque présidentielle» », sur Les Echos, (consulté le )
  13. Hassina Mechaï, « Halal, modest fashion et consorts : ces nouveaux marchés identitaires », sur Les Echos, (consulté le )
  14. a b c et d (nl) Lukas Vander Taelen, « De illusie van halal », sur De Tijd, (consulté le )
  15. Valérie Toranian, « Zemmour et le « grand remplacement » des boucheries », sur Revue des Deux Mondes, (consulté le )
  16. Coran: Sourate 5, verset 5 (page 107) - online
  17. a b et c Jérôme Maucourant, « Florence Bergeaud-Blackler et l’islam de marché », sur Revue des Deux Mondes, (consulté le )
  18. a b c et d (nl) Eric Hulsens, « Een hoog oplopende twist over de hoofddoek », sur De Morgen, (consulté le )
  19. Saïd Derouiche, « Belgique: Balek-gate, balle au centre », sur Causeur, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]