Sapa Inca

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La Capaccuna.

Le terme Sapa Inca désigne en quechua le kuraka (noble, responsable, gouverneur) le plus élevé de l'Empire inca et a été traduit par « Unique Seigneur », « Seul souverain[1] », « Inca principal » ou « Inca suprême » avec la connotation de « plus important de tous les êtres du monde »[2], ou de « principe générateur et vital[3] ».

Il désigne les empereurs cusquéniens d'origine quechua qui ont gouverné l'Empire inca et l'ont amené à une extension territoriale et une unité administrative exceptionnelles, exprimant la dernière des civilisations précolombiennes des Andes. Celle-ci s'effondra à l'arrivée sur son territoire des conquistadores espagnols commandés par Francisco Pizarro en 1528 et 1531.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le premier Sapa Inca, Manco Cápac, est mythique, comme son épouse et sœur Mama Ocllo. Ils seraient les fondateurs de la capitale du Tawantin Suyu (ou « empire des quatre quartiers », ou régions) nommée Cuzco ou Qusqu (« le Milieu du Pays » en quechua) qui, historiquement, semble pourtant avoir surgi plus tôt vers 1100.

Ce Sapa Inca légendaire est aussi à l'origine des deux dynasties Incas successives qui régneront à Cuzco pendant plusieurs siècles sur un territoire qui deviendra immense. À son apogée, en Amérique du Sud son extension maximale, allait depuis l'actuelle Colombie, au nord, jusqu'au centre de l'actuel Chili, marqué par la frontière naturelle du fleuve Maule, au sud, et comprenait la majeure partie du Pérou, de la Bolivie et de l’Équateur actuels, soit près de 4 000 km de long et 1 800 000 km2.

L'empereur était considéré comme un dieu[4] et la position était héréditaire, de père en fils. L'épouse principale de l'Inca était la Coya, celle qui lui donnait l'héritier présomptif.

La capitale inca était divisé en deux parties séparées par la route menant à Anti Suyu, chacune peuplée de communautés (ayllus) rivales, les Hurín Cuzco (ou bas Cuzco) et les Hanan Cuzco (ou haut Cuzco). Ces groupes donnèrent naissance aux deux dynasties connues, dirigées successivement par les descendants des Hurín, puis des Hanan à partir de Inca Roca[5].

La cité antique de Cuzco.

C'est la dynastie des Hanan qui était au pouvoir au moment de la conquête espagnole. Le dernier Sapa Inca légitime de l'Empire Inca était Atahualpa, qui fut exécuté par Francisco Pizarro et ses conquérants en 1533, mais plusieurs successeurs réclamèrent plus tard le titre[6].

L'histoire politique inca, presque toujours, a donné lieu à des confrontations pour le pouvoir héréditaire. Cela était dû à l'ambiguïté des critères pour l'élection du nouvel Inca. Le critère principal pour choisir le nouvel Inca était la règle du choix du «plus habile». Le nouvel Inca pourrait être le fils du précédent avec sa coya ou avec n'importe quelle concubine (chipa-coya). Les héritiers devaient être majeurs. L'Inca pouvait nommer un successeur, mais cela devait être accepté par les dieux (à travers un oracle) et par les panacas (lignage du monarque régnant).

En général, il y avait plusieurs aspects qui prévalaient avant l'élection d'un souverain inca, mais les critères étaient si ambigus que dans de nombreux cas, lorsqu'un des fils de l'Inca s'est avéré doué en politique, en administration et en valeur guerrière, il l'a emporté sur ses frères ou demi-frères.

La création de la Vice-royauté du Pérou en fait des Sapa Inca qui sont nommés par les Espagnols depuis 1533 des fantoches sans pouvoir ou des collaborateurs dociles.

Après l'évasion de Manco Capac II en 1536 qui fonde le Royaume libre de Vilcabamba au nord de Cuzco, la dynastie perdure indépendamment des Espagnols jusqu'en 1572.

Liste des Sapas Inca[modifier | modifier le code]

La liste officielle des dirigeants incas a été évoquée par la plupart des chroniqueurs sous le nom de Capaccuna, du Quechua Qapaqkuna, «Les dirigeants». On a parfois émis l'hypothèse qu'il y avait plus de dirigeants qu'il n'en est mentionné et que plusieurs ont été effacés de l'histoire officielle de l'Empire pour différentes raisons, mais ces thèses sont sans fondement. Il est hautement improbable que des Incas ne figurent pas sur la capaccuna pour une raison quelconque.

Actuellement, on considère comme établi qu'il y a eu 13 Sapa Incas (réels ou légendaires) de deux dynasties successives.

Incas de Cuzco-Tawantinsuyu[modifier | modifier le code]

Dynastie Hurín Qusqu (Bas Cuzco)[modifier | modifier le code]

Portrait Nom usuel Nom de naissance Accession au pouvoir Règne
Manku Qhapaq uchuy.png Manco Cápac Manqu Qhapaq Yupanqi Fondateur du royaume de Cuzco.

Premier Sapa Inca semi-légendaire, et fondateur des dynasties Inca du Cuzco.

1174-1207
Inca sinchi roca.jpg Sinchi Roca Sinchi Ruq'a Yupanqi Successeur désigné.

Sapa Inca II, et deuxième chef de guerre inca semi-légendaire de la Confédération du Cuzco

1207-1240
Inca lloque yupanqui.jpg Lloque Yupanqui Lluqu'i Yupanqi Successeur désigné.

Sapa Inca III, et troisième chef de guerre inca semi-légendaire de la Confédération du Cuzco.

1240-1273
Inca mayta capac.jpg Mayta Capac Mayta Qhapaq Yupanqi Successeur désigné.

Sapa Inca IV, et quatrième chef de guerre inca semi-légendaire de la Confédération du Cuzco.

1273-1306
Tarco Huamán (es) Tarqu Waman Yupanqi Successeur désigné. Renversé rapidement par Capac Yupanqui. 1306
Cápac Yupanqui (cropped).jpg Capac Yupanqui Qhapaq Yupanqi Coup d'État.

Sapa Inca V, et cinquième chef de guerre inca semi-légendaire de la Confédération du Cuzco.

Dernier souverain de la Dynastie Hurín Cuzco.

1306-1339

Dynastie Hanan Qusqu (haut Cuzco)[modifier | modifier le code]

Portrait Nom usuel Nom de règne Nom de naissance Accession au pouvoir Règne
Hp inka6.jpg Inca Roca

(1330-1380)

Inqa Ruq'a Yupanqi Inqa Ruq'a Yupanqi Coup d'État.

Sapa Inca VI.

1339-1372
Inca yahuar huacac.jpg Yahuar Huacac

(1380-1410)

Yawar Waqaq Yupanqi Tito Qusi Wallpa Yupanqi Successeur désigné.

Sapa Inca VII.

1372-1405
Hp inka8.jpg Viracocha

(? - 1438)

Wiraqucha Yupanqi Hatun Topaq Yupanqi Désigné par le lignage.

Sapa Inca VIII.

1405-1438
Pachacutec-small.png Pachacutec

(v. 1400- v. 1471)

Pachaquti Yupanqi Qusi Yupanqi Successeur désigné.

Sapa Inca IX, et 1er empereur inca historique.

1438-1471
Tupac-inca-yupanqui-small.png Tupac Yupanqui

(v. 1440-v. 1493)

Tupaq Yupanqi Tupaq Yupanqi Successeur désigné.

Sapa Inca X, et 2e empereur inca historique

1471-1493
Inca huayna capac.jpg Huayna Capac

(v. 1467-v.1525-1527)

Wayna Qhapaq Yupanqi Titu Qusi Wallpa Yupanqi Successeur désigné.

Sapa Inca XI, et 3e empereur inca historique

1493-1527
Waskhar portrait.jpg Huascar

(1491-1533)

Huascar Yupanqi Tupiq Qusi Wallpa Yupanqi Désigné officiellement par le lignage.

Sapa Inca XII, et 4e empereur inca historique

1527-1532
Ataw Wallpa portrait.jpg Atahualpa

(v. 1500-1533)

Atawallpa Yupanqi Atawallpa Yupanqi Tacitement au pouvoir après

la Guerre de Succession inca. Sapa Inca XIII, et 5e empereur inca historique. Dernier souverain plénier.

1532-1533

Incas post-conquête[modifier | modifier le code]

Portrait Nom usuel Inca de Cuzco désigné par les espagnols Inca du Royaume de Vilcabamba
Accession au pouvoir Règne Accession au pouvoir Règne
Topa Hualpa (v. 1500-1533)

(v. 1500-1533)

Nommé par

Francisco Pizarro et Diego de Almagro

1533
POMA0400v.jpg Manco Capac II

(1512-1544)

Nommé par

Francisco Pizarro

1533-1536 Fondateur du

Royaume inca de Vilcabamba

1536-1544
Paullu 1838.jpg Paullu Inca

(v. 1518-1549)

Dernier inca désigné par les Espagnols. Nommé par

Diego de Almagro

1536-1549
Hurtado de Mendoza and Sayri Tupac Inka.jpg Sayri Tupac

(1535-1561)

Successeur désigné 1544-1560
Titucusiyupanqui.jpg Titu Kusi Yupanqui

(1535-1571)

Coup d'État ? 1563-1571
TupacamaruI.JPG Túpac Amaru I

(1545-1572)

Restauration de la succession désignée 1571-1572

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Rafaël Karsten, La civilisation de l'Empire inca, PAYOT, coll. « Le Regard de l'Histoire », v.o. (finnois) en 1948, en français : 1952, réédité en 1972, 1979, 1983 (ISBN 978-2228273206), p. 99
  2. (en) « L'empire des Incas au Pérou, les titres ou appellations de l'Inca », sur PERU ADVENTURE TOURS (consulté le )
  3. Sur ce thème, voir : (es) Rito y milenarismo en los Andes, del Taki Onqoy a Inkarrí [rite et millénarisme dans les Andes, du Taki Unquy (maladie du chant : rébellion religieuse des Indiens au XVIe siècle) jusqu’à Inkarrí], revue Allpanchis no 10, 1977, p. 84. Et aussi « Inka est le modèle originel de tout être », comme l’affirmaient les Indiens de Canas à José María Arguedas, cité par Nicole Fourtané, op. cit. p. 53 : « Mythe, utopie et contre-utopie dans les Andes : La figure de l'Inca », sur Persée (consulté le )
  4. (en) Wilfred Byford-Jones, Four Faces of Peru, Roy Publishers, 1967, p. 17; p. 50.
  5. (en) Pedro Sarmiento de Gamboa et Gabriel de Oviedo, History of the Incas, Hakluyt Society, , p. 72.
  6. (en) Antonio de la Cova, « The Incas », sur www.latinamericanstudies.org.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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